Camille Bardin
Bonjour à toutes et à tous, j’espère que vous allez bien. Aujourd’hui, je vous propose de parler de cinéma, de devoir de mémoire, de voix marginalisées et de récits intimes avec l’artiste Rayane Mcirdi.
PRÉSENT.E est un podcast dans lequel je souhaite mettre au jour ce qui vient en amont puis en aval de l’art contemporain. Mes questions portent donc rarement sur les œuvres en elles mêmes, mais davantage sur toutes les réflexions et les doutes qui gravitent autour de celles-ci. Car ici, je m’intéresse d’abord à la manière dont la vie de mon invité·e impacte son travail, puis, à l’inverse, à la façon dont son travail vient impacter sa vie. Dans PRÉSENT.E, j’essaye de mener les conversations comme j’ai l’habitude de le faire, en tant que critique d’art, dans les ateliers d’artistes ou à la terrasse des cafés. Sauf qu’ici, nous sommes enregistré·es et vous avez la possibilité de vous écouter.
Vous l’aurez remarqué, depuis le premier épisode de Présente dans chaque intro, je ne dresse pas le cv de l’artiste que je reçois, que mon invité·e soit une star de l’art contemporain ou un ou une jeune artiste encore étudiante, je m’applique à me souvenir de la personne, de l’exposition, de la conversation ou du post Instagram grâce auquel j’ai découvert son travail.Parce que je pense que dans notre monde, il est nécessaire de tisser des liens, d’expliciter le fait que tout est constellation et que le savoir et la connaissance ne tombe pas du ciel. Pour Rayane, j’ai dû aller chercher aux confins de ma mémoire pour me rappeler de la première fois que j’ai vu son travail. Je pensais que c’était il y a quatre ans, lors de l’été 2018, durant lequel je m’étais arrêtée devant une vidéo qui était montrée au festival « Par Amour du Jeu » au Magasin Généraux où Rayane tu exposais une œuvre qui s’appelait We Never Walk Alone, dans laquelle tu filmais ton cousin Samir qui jouait à FIFA. C’était mon souvenir le plus lointain. Mais hier, tu m’as rappelée qu’en fait, la première fois qu’on s’était rencontré, c’était quelques mois plus tard, le soir du Prix Marcel Duchamp, où tu étais parce que tu avais bossé, cette année là avec Mohamed Bourouissa, qui était l’un des sélectionnés.
Rayane Mcirdi
Nan, je n’ai même pas bossé avec lui ! C’était juste une invitation !
Camille Bardin
On était là pour la même raison du coup ! Et du coup, maintenant qu’on a notre petite généalogie, on va pouvoir commencer à revenir sur ton parcours, sur ton travail, etc. Maintenant que j’ai fini mon monologue (hahaha!) Je peux dire que je suis ravie de te recevoir aujourd’hui, d’autant plus que ça fait 1000 ans qu’on est censé faire cette interview. C’est complètement de ma faute. Mea culpa. Rayane je crois savoir qu’aux Beaux-Arts – tu as fait ce d’Angers, si je ne m’abuse – la première voie que tu as choisi n’a pas tout de suite été la vidéo. Il me semble qu’au début tu touchais un peu à tout. Je pensais, que tu avais touché à la peinture et je trouvais ça un peu ouf. Et en fait tu m’as dit que non, c’était le dessin et du coup je trouve que ce n’est pas tant tiré par les cheveux que ça. Mais est ce que tu peux nous expliquer un peu le glissement que tu as fait à ce moment là ?
Rayane Mcirdi
En gros, faut savoir que depuis tout petit je suis un dingue de manga. Et en fait, depuis tout petit mon rêve, c’était de devenir mangaka et naïvement, jusqu’au lycée, j’ai suivi cette voie. Je ne voulais faire que ça. Mais c’était bizarre parce qu’en fait, je voulais devenir mangaka, mais je dessinais pas. Donc en première, je me suis dit « Allez go ! Je vais réaliser mon rêve, je vais y aller en mode Shaolin du dessin » et en fait, je faisais 3h de dessin par jour.
Camille Bardin
Ah ouais !
Rayane Mcirdi
Ouais, mais ce qui en vrai n’est pas assez, il y en a qui font beaucoup plus. Et j’ai appris à dessiner comme ça et par de joyeux hasards, je me suis retrouvé dans un atelier d’arts plastiques au Lycée Galilée à Gennevilliers, avec une prof super sympa qui s’appelait Alexandra et qui m’a dit « Écoute, tu devrais faire une prépa artistique. » Je n’avais pas les notes pour faire des MANA, des écoles d’arts appliqués.
Camille Bardin
Qui coûtent une blinde en plus non ?
Rayane Mcirdi
Ouais ! Et en fait, c’est très sélectif. Et si tu as un mauvais dossier scolaire, ils ne te prennent pas. Et moi ça m’a arrangé les écoles d’arts parce qu’il n’y avait pas besoin de présenter un dossier scolaire, c’était vraiment juste un dossier artistique qu’iels demandaient. Du coup, j’ai fait la prépa à Gennevilliers où j’étais toujours dans cette idée là : dessins, dessins, dessins. Mais du dessin technique, le dessin artistique, ça m’intéressait pas vraiment. Mon but était vraiment d’être un ouf de technique. Et un peu par hasard, je me suis retrouvé aux Beaux-Arts. Et là, en fait, on m’a présenté vraiment beaucoup de médiums dont il y avait des cours de théorique qui étaient faits par des profs avec qui je m’entends toujours aussi bien. Il y avait notamment trois profs : Nicolas Fiodorov qui travaillait au FID. Judith Abensour qui est théoricienne, et Thomas Bauer qui est réalisateur. Et en fait, on avait des cours de théorie du cinéma qui m’intéressaient trop. Mais j’avais un petit problème… C’est que les profs n’arrêtaient pas de me dire – mais sur le coup, je comprenais pas ce que cela signifiait vraiment – ils me disaient que je n’avais pas de culture. C’était une réflexion un peu large hein ! Et du coup, je comprenais pas vraiment ce qu’ils essayaient de me dire. Je comprenais qu’ils me parlaient de culture artistique, mais moi je me disais que l’école était faite pour ça ! Tous mes camarades avaient beaucoup de culture artistique, parce que pour la plupart ils venaient de milieux où ils avaient acquis cette éducation. À un moment, je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen de développer très rapidement ma culture. J’en ai alors parlé à Seumboy Vrainom, qui était anciennement dans le même lycée que moi et, parfois on discutait par SMS et je lui ai demandé comment il faisait pour choper de la culture. Et il m’avait dit « Moi ce que je fais, c’est que je regarde des films de Chris Marker. Commence comme ça ! » Alors, j’ai commencé par regarder La Jetée, puis j’ai regardé Sans Soleil et je me suis dit c’est un peu benef parce qu’un livre, c’est long à lire, ça peut prendre un mois. Donc je me suis dit que j’allais regarder énormément de films. Du coup, je me faisais des grosses sessions de Shaolin durant lesquelles je regardais cinq films par jour pour choper un maximum de culture. Et c’est comme ça que je suis arrivé au cinéma, parce qu’à un moment je me suis dis que j’adorais vraiment ça.
Camille Bardin
Oui, ce qui était une contrainte est devenu un plaisir finalement…
Rayane Mcirdi
Totalement !
Camille Bardin
C’est marrant… Faut que je t’avoue que moi je suis éclatée en cinéma. C’est un truc de fou… C’est un gros complexe depuis mon lycée. Je demandais à tous mes potes de me faire une liste des 20 films qu’il faut absolument voir et tout. Et tout l’été, je me bouffais comme toi cinq films par jour. Mais en fait, contrairement à toi pour moi c’est resté une contrainte. Je me suis bouffée toute la Nouvelle Vague par exemple mais j’ai fini par confondre tous les scénarios… Du coup je suis ravie que ça ait pu fonctionner pour moi hahaha ! Et du coup ça t’a amené à toi même réaliser des films du coup…
Rayane Mcirdi
Ah clairement ouais ! Il y avait aussi un aspect un peu revanchard aussi. Je me disais « Ok, vous me dites ça, donc moi je vais faire en sorte d’avoir même plus de culture que vous. » Mon but c’était presque de voir tous les films du monde pour que arriver devant un prof et pouvoir lui dire que maintenant, il ne pouvait plus dire que je n’avais pas de culture. Et un moment je me suis dit que finalement j’avais plus de culture qu’eux parce que désormais j’avais la leur et aussi la mienne, la culture populaire avec les mangas et les blockbusters. Et du coup ça s’est transformé en pratique…
Camille Bardin
Je kiffe cette histoire ! Je me reconnais pas mal dans le fait d’être face à des personnes qui ont un gros capital culturel et qui te regarde de haut. Et en fait, effectivement, à partir du moment où tu comprends qu’il faut déconstruire la hiérarchisation des cultures ça va un peu mieux… Mais du coup, comme je le disais, je suis un peu éclatée en cinéma. Donc il va falloir que tu sois pédagogue avec moi… Mais j’aimerais que tu me parles de ton amour pour cette discipline parce que j’ai l’impression que tu nourris une vraie fascination pour celle-ci. Quand je regarde tes films, j’ai l’impression que le moindre plan est une référence, un hommage à un réalisateur que tu aimes… Dans tes films, la pop culture a une place importante, il y a les animés aussi bien sûr qui sont un gros leitmotiv dans ton travail. J’ai l’impression que tes oeuvres portent ta volonté de mettre à mal la hiérarchisation des cultures.
Rayane Mcirdi
Dans cette quête de cinéphilie extrême, je suis tombé sur des réalisateurs qui m’ont vraiment marqués. Et en fait, j’ai eu deux crises pendant mes études… Au début, il y d’abord eu ce sentiment d’infériorité au niveau de la culture. Puis ma deuxième crise est arrivée au moment où je me suis rendu compte que je ne me reconnaissais plus vraiment dans les films que je regardais. Tu parlais de La Nouvelle Vague, et par exemple, c’est un cinéma qui ne me parle pas du tout ! Je n’ai pas grandi à Paris, donc le délire parisianiste, ça ne me parle pas du tout. Au début je ne comprenais pas pourquoi je n’aimais pas ça et je crois que c’est en quatrième année aux Beaux-Arts, quand j’ai fait mon échange en Chine que j’ai compris. En revenant, je suis allé voir mes profs et je leur ai dit que je voulais qu’ils me donnent des références qui soient proches de moi. Je voulais un cinéma qui me ressemble. Mais je trouvais personne capable de me donner des références de films qui se rapprochaient de mon travail. On arrive à donner des références aux peintres, mais pour moi personne n’y arrivait. Du coup je me suis plongé dans le cinéma asiatique, japonais, coréen et taïwanais. Je suis tombé sur un réalisateur qui s’appelle Hou Hsia-Hsien puis sur Wong Kar-Wai aussi ! Ce sont des réalisateurs qui parlent énormément de migration. Je me suis grave reconnu dans ces films là ! Même si ce n’étaient pas des films qui parlent directement de ma culture algérienne, ce sont quand même des films qui me touchaient. Dans les films de Hou Hsia-Hsien par exemple, il raconte l’histoire de Chinois exilés à Taiwan qui ont l’idée de repartir dans 20 ans et ils finissent par faire leur vie là-bas. C’est un peu l’histoire de mes grands parents ! Il y a eu une sorte de migration de mes sujets qui s’est fait par le cinéma et qui m’a beaucoup aidé dans ma pratique.
Camille Bardin
Et puis j’imagine que de pouvoir découvrir ces histoires de déplacements sans qu’elles soient directement liées à celles de ta famille, cela a du te permettre d’avoir encore plus d’espace pour te projeter. Nan ?
Rayane Mcirdi
Oui et puis aux Beaux arts ils t’apprenent la théorie, mais pas la forme. Je me considère un peu autodidacte du film parce que je n’ai jamais vraiment eu ou très peu de cours techniques. Je suis vraiment parti d’une phrase de Scorsese qui dit que les nouvelles générations ont la chance de pouvoir prendre une caméra et d’aller filmer. C’était vraiment ça qui me motivait. C’est peut être aussi pour ça que j’ai commencé à filmer ma famille parce que je savais que je pouvais facilement le faire. Je les connaissais. Je savais qu’on pouvait faire des films ensemble. Ça a vraiment commencé comme ça.
Camille Bardin
Oui, tu n’avais pas à te lancer dans des castings ou autres…
Rayane Mcirdi
Clairement ! J’ai une famille de ouf en plus donc c’était assez facile !
Camille Bardin
Et du coup dès tes tout premiers films, on comprend vite que dans ton travail, les frontières entre la fiction et la réalité sont floues. Dans tes films, on voit tes amis, tes cousins, tes tantes, etc. Finalement, j’ai envie de dire que ces films sont des fictions qui s’ancrent dans le réel. Pourquoi tu refuses de trancher entre la fiction et documentaire ? Pourquoi t’as fait le choix d’épouser les deux ? Et finalement, comment tu fais pour créer des scénarios et pour filmer des personnes qui ne sont pas actrices et qui finissent par co-construire les films avec toi ? Est ce que c’est une manière finalement de redonner la parole dans un sens, en plus de ce que tu viens de nous dire ? Typiquement, tu parlais ton cousin Samir avec qui tu as tourné un film. Et là, c’est presque un scénariste à part entière…
Rayane Mcirdi
Le premier film qu’on a fait, avec Samir c’était un peu par hasard. C’était ce film, You’ll never walk alone. qui parle de sa façon de vivre le football et les jeux vidéo. À la base, c’est vraiment parti du fait qu’il me faisait vraiment trop rire quand il jouait à FIFA et je lui ai demandé si je pouvais le filmer. Ce qui a donné ce documentaire ! Et à un moment, je lui ai dit que j’aimais bien ce rapport que j’avais avec lui. Avec Samir, c’est très facile de travailler, on s’entend tellement bien ensemble que c’est très facile de faire un film ensemble.
Camille Bardin
Mais comment on se met à bosser avec son cousin ? Vous vous mettez autour d’une table ? Tu lui donnes des devoirs ? Tu lui demandes de t’écrire des scénarios ? Comment ça se passe concrètement ?
Rayane Mcirdi
Ça part toujours d’un vécu ou d’une histoire généralement. En fait, Samir, c’est quelqu’un qui raconte des histoires comme personne, du coup, des scénarios de films j’en ai cinq cent venant de lui ! Des fois on se pose, et simplement à partir de la conversation qu’on a eu je lui demande si ça lui dit qu’on en fasse à film. Dans les trois quarts des cas, c’est comme ça. Le Croissant de feu, le dernier film qu’on a fait ensemble, c’est ça. On a discuté, on a discuté… Il faut savoir qu’on s’appelle quatre fois par semaine ! Donc on a beaucoup, beaucoup de discussions ! Les discours artistiques se veulent parfois plus intelligent mais en fait avec Samir j’ai des conversations souvent même plus intéressantes que celles que je peux avoir avec des commissaires ! Donc généralement, l’idée part d’une idée ou d’une histoire, après on va se poser, on va commencer à réfléchir. Il faut savoir que je suis très nul en écriture, donc j’écris jamais et en fait tout ce qu’on va faire, c’est énormément parler. Des fois, je prends des notes, mais c’est tout. Et à un moment, on va se poser avec une caméra et on se dit qu’on va filmer tout ce qu’on s’est dit. Des fois, ça donne des ratés. Mais la plupart du temps comme Samir est très à l’aise avec la caméra en une scène, il règle tout. Et là où la fiction et la réalité se confrontent c’est que Samir me donne souvent beaucoup plus que ce que j’attends. Pour le Croissant de feu par exemple, faut se dire que le scénario ne faisait pas plus d’une demi-page.
Camille Bardin
Est-ce que brièvement tu peux expliquer le scénario pour les audeurices qui n’auraient pas vu le film ?
Rayane Mcirdi
En gros, le Croissant de feu, c’est un projet qui a commencé après les Beaux-Arts. J’ai eu une résidence à la galerie Édouard Manet à Gennevilliers, et pour la première fois de notre vie on avait un budget donc on s’est dit qu’on allait faire un film ensemble. Et il faut savoir que j’ai grandi deux ans dans la même cité que Samir, aux Mourinoux à Asnières-sur-Seine. J’ai une grosse histoire familiale liée à cet endroit parce que quand mes grands-parents sont arrivés en France ils ont été relogés là-bas. Ma mère y a grandi aussi avec mon père et moi j’y ai grandi deux ans. Mon cousin Samir y habite toujours et on s’est dit qu’on voulait faire un film de ouf sur les Mourinoux. Ça a germé comme ça. Et en fait, avec Samir on est un peu le Ying et le yang parce que lui est resté aux Mourinoux et moi j’en suis parti. D’une certaines manières je les ai un peu trahi parce que je passe ma vie à Paris. Et Samir me dit au contraire qu’il va jamais à Paris et on se dit que c’est vraiment un truc de ouf et on a eu énormément de discussions sur ça, sur ce qu’était notre rapport à Paris. Il m’expliquait que de toutes manières, le quartier des Mourinoux était déjà mort, que c’était déjà devenu Paris à cause de la gentrification et qu’il ne se sentait plus du tout à l’aise dans ce quartier là. C’est parti de cette dualité je crois. On s’est dit qu’on allait faire un film de catastrophe sur les Mourinoux qui s’appelerait Le Croissant de feu, qui est un hommage à Malcom X. On est parti du principe que les Mourinoux, c’était fini et on s’est demandé où est-ce que les habitants des Mourinoux pouvaient aller maintenant. Et ce qui devait être un film et finalement devenu trois films.
Camille Bardin
Qui sont trop bien ! Et que tu montrais à Gennevilliers à la galerie Édouard Manet lors de ton premier solo show en octobre dernier ! Tu disais à un moment qu’il y avait beaucoup de ratés. Du coup, je me demandais si tu jetais beaucoup ?
Rayane Mcirdi
Oui, oui. Parce que ma manière de faire implique que j’y vais un peu en crash test. Pour cela, je remercie les Beaux-Arts parce qu’ils nous disaient « n’ayez pas peur de rater » Et par exemple, le film que j’ai fait avec mon cousin Yassine, qui s’appelle La Légende d’YZ, à la base, c’était juste une tentative de faire une fiction parce que j’en avais jamais fait. Et je me suis dit « Même, si c’est raté, je m’en fous. Au moins, j’aurais fait ma fiction » Et des fois avec Samir on tourne des films comme ça. On se dit « On le fait et de toutes manières c’est pas grave, au pire ça nous aura fait rire pendant 20 minutes et c’est bien. »
Camille Bardin
Mais c’est ça qui est ouf ! C’est qu’à la fois tu as un regard hyper pro et hyper référencé et en même temps j’ai l’impression que tu gardes un truc presque enfantin. Comme quand on est avec ses cousins, ses potes, que c’est l’après-midi et qu’on se fait chier et qu’on se lance dans un truc et on crée un énorme spectacle ou je ne sais pas quoi… J’ai l’impression que t’as ça aussi ce truc. Et du coup la rencontre des deux, de ce truc hyper carré, hyper référencé et ce truc hyper spontané. Et ouais, ce truc presque enfantin… J’emploie le terme enfantin sciemment et sans que ce soit péjoratif. Parce que du coup, il y a ce regard un peu émerveillé et juste de kiff de rassemblement et d’équipe. Et on y va et on fait des trucs ensemble.
Rayane Mcirdi
Ah ouais totalement. Mais maintenant, j’essaye un peu de sortir de ce système là parce que c’est une sorte de facilité pour moi. Parce qu’en fonctionnant comme cela, je n’ai pas la contrainte d’avoir une grosse équipe derrière moi. Donc s’il y a un problème derrière, ben en fait c’est mon problème. Ce n’est pas le problème d’une vingtaine de personnes comme ça peut être le cas au cinéma.
Camille Bardin
Oui c’est pas comme si tout était très organisé avec une date de tournage etc.
Rayane Mcirdi
Et en fait, cette manière de faire implique aussi, j’en ai conscience, une grosse intimité avec la personne. Samir me l’a déjà dit… Tu vois, on parlait de paroles et de paroles qu’on n’arrive pas à voir et la proximité que j’ai avec les personnes que je filme, fait qu’elles vont me donner certains trucs qu’elles donneraient à personne d’autre.
Camille Bardin
Mardi 18 septembre. C’était samedi après 12 h, était un vernissage, il me semble.
Rayane Mcirdi
Là par exemple, j’étais en tournage dimanche. Et en fait, à un moment, j’ai voulu ramener un ingénieur son, ce qui peut beaucoup m’aider parce que le son devient vite un problème au cinéma. Et j’ai compris que je ne pouvais pas. Parce que j’étais avec mon cousin et deux de ses amis, et je savais que si un ingénieur son avait été là, trois quarts de l’histoire que je voulais, je ne l’aurais pas eu.
Camille Bardin
Mais oui j’imagine… Dans les films que tu as tourné, les films que je préfère c’est celui avec tes tantes et celui avec tes grands-parents. Et par exemple, celui avec ton grand père on pourrait presque se dire que tu n’as pas de caméra tellement votre conversation est intime. On se dit que, limite, tu filmes à l’iPhone, mais effectivement on te voit pas du tout arriver avec une équipe de tournage… Je ne te vois pas crier « Ça tourne ! » ben d’ailleurs, j’imagine que tu ne dis jamais « Ça tourne ! » haha !
Rayane Mcirdi
Ben ouais ouais ! C’est plus des rendez vous ! Je leur donne des rendez-vous… C’est là où pour moi le cinéma c’est une grosse part de sensibilité. J’adore les histoires… Et moi, j’ai une famille d’histoires… Mon histoire personnelle est très liée à l’histoire algérienne, à la colonisation et tout. Et en fait c’est une sorte d’enquête que je fais, je cherche des indices, j’ai envie d’en savoir un peu plus alors je creuse, je creuse. Des fois, je vais creuser avec mon grand père, des fois avec mes tantes, des fois avec mon cousin ou mes petits cousins, mes petites cousines. Cette histoire là j’ai envie de la connaitre à 100% et je pense que c’est très important de la raconter aujourd’hui.
Camille Bardin
Tu fais une transition parfaite vers ma prochaine question… Parce que dans ton travail, l’intime, il est évidemment politique. Depuis le début, tu n’a eu de cesse de vouloir rendre visibles des voix qu’on a mises sous silence ou qu’on a tordu, de sorte à ce qu’elles correspondent aux stéréotypes qu’on se faisait d’elles. Lors de ton premier solo show dont on parlait. J’ai eu l’impression que désormais, tu étais aussi porté par une espèce d’urgence. Une urgence à préserver aussi des paroles, à prendre soin de récits qui risquaient un jour de se déliter. En fait, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, il est certes question de prendre la parole, mais aussi de la redonner et finalement d’entreprendre un travail de mémoire. Quand tu parles d’enquête, c’est un peu ça finalement ?
Rayane Mcirdi
En vrai, les récits, ils sont devenus politiques mais au début, pour moi, ça ne l’était pas du tout. Les deux premiers films que j’ai fait symboliquement pour moi, c’est des films de genre. Le premier c’est un documentaire sur le sport et l’autre c’est un film d’action sur le Kung-fu. Naïvement, je pensais faire cela. Puis on m’a dit, « Ah bah c’est super ! En fait, tu fais des films de banlieue » Et je ne comprenais pas pourquoi on me disait ça.
Camille Bardin
Ben évidemment… Les gens voient des arabes du coup c’est forcément ça dans leur tête !
Rayane Mcirdi
La question de la représentation, c’était quelque chose dont je n’avais pas conscience. Mais en France les gens sont obsédés par ça. Du coup, à la fin, c’est devenu politique, mais malgré moi… C’est quand même bizarre.
Camille Bardin
En fait, c’est la réception des gens qui t’a fait prendre conscience que finalement – je disais ça en rigolant – mais en vrai, filmer des arabes, montrer des corps racisés, ça doit absolument être politique.
Rayane Mcirdi
Oui énormément. Mais là où c’est dingue, c’est que les réactions des gens ont pris tellement de place aux Beaux-Arts que lorsque j’ai fait la série « Le toit » qui partait d’une histoire d’émeutes contre les violences policières, à un moment je me suis demandé si je ne faisais pas ces films par réaction à tout ce qu’on m’avait dit. Et là, je me suis dit que c’était un peu dangereux parce que je ne faisais plus de l’art pour moi, mais pour les autres. À ce moment là, je me suis énormément demandé ce que je voulais montrer. Est-ce que ce n’est pas dangereux de montrer ces histoires ? Puis j’ai fini par faire un peu la paix avec ça au moment où j’ai eu cette exposition, « Le croissant de feu ». J’ai perdu ma grand mère à ce moment là et en fait, ma grand mère devait être au cœur du projet. Je m’étais dit « les films que je fais sont toujours trop tournés sur les jeunes. J’aimerais bien ouvrir ça à d’autres générations, celles dont je connais très mal le récit. » À un moment, le récit devenait tellement intime que je me rappelle je suis arrivé à l’Expo et je me suis dit pour la première fois de ma vie « Je fais des films pour moi, ma famille et mes proches. Je ne fais plus ça pour les autres. » J’ai fait ma paix avec ça. Je m’en fous d’avoir cet aspect un peu revanchard socialement et tout. Je me dis que si on peut être réunis autour d’une œuvre d’art et qu’on est tous ensemble, c’est encore mieux.
Camille Bardin
Ça me fait penser à l’épisode que j’ai enregistré avec Théophylle, dans lequel il parle justement du fait qu’il fait de l’art pour les gens qu’il aime et je trouve ça trop beau. Et lui comme toi, se livre énormément et comme toi, l’intime devient éminemment politique dans son travail, effectivement. Mais dans tout ça, ce qui m’impressionne, c’est de me dire que toute cette intimité là, tu la montres à d’autres et à des personnes qui par ailleurs ont des réactions racistes, classiques, etc. Donc je trouve ça encore plus fou que ta réaction, quand ça n’allais pas, c’est été de révéler encore davantage…
Rayane Mcirdi
Il y a un truc que j’ai compris très récemment. Moi, j’ai toujours montré mes films dans des lieux d’art, que ce soit des musées, des centre d’art, etc. Et en fait, comme l’art c’est élitiste, à chaque fois que je ramenais ma famille, mes frères, ma mère, mes parents, etc. Ils se sentaient mal dans ces lieux là. Et récemment, j’ai été sélectionné pour le festival « Le cinéma du réel » et pour la première fois j’invitais mes proches dans une salle de cinéma. Et c’était trop bien. Parce que pour la première fois de leur vie, ils se sentaient à l’aise dans un lieu. Pour moi, c’était un des plus beaux moments où, j’ai présenté un de mes films parce que tout le monde comprenait là, tout le monde est déjà allé au cinéma une fois dans sa vie ! Du coup c’était la plus belle célébration que j’ai pu avoir autour d’une de mes pièces depuis que je fais de l’art.
Camille Bardin
Oui donc définitivement, il est à nouveau question de la violence symbolique que représente le white cube…
Rayane Mcirdi
C’est ça ! C’est là où je pense que j’ai été un peu attiré par le cinéma parce que je me suis un peu fait boloss artistiquement, comme je le disais au début et je me sentais mal par rapport à ça. Je me suis toujours senti mal dans le dessin, dans la peinture, parce que je me reconnaissais pas dans ces formes d’art. Et en fait, le cinéma, c’est la réponse à tout ça. C’est que je me suis dit le cinéma, c’est l’art le plus populaire qu’on peut avoir. Donc c’est là où je me suis senti le mieux. Avec le dessin, je n’arrivais pas à raconter des histoires. J’ai commencé à faire des films et là je me sens bien. Aussi, la salle de cinéma, c’est un endroit où tu te retrouves seul avec l’écran, t’as la réception que tu veux et on se retrouve après pour en parler.
Camille Bardin
J’ai l’impression que tu dois en permanence te battre pour ne pas être réduit au statut d’artiste qui parle de banlieues et pour qu’on arrête de détériorer la complexité de ton travail. On se connaît depuis un moment maintenant, et à chaque fois, quand on discute, j’ai l’impression que tu me racontes toujours des histoires de personnes qui ne te parlent jamais de cinéma.
Rayane Mcirdi
Oui oui… Après moi je suis un barge de cinéma donc je pourrai en parler pendant 6h s’il fallait. Mais là je trouve qu’il y a de plus en plus de gens intéressantes autour de moi. Valentin Noujaïm que t’as interviewé juste avant moi. Je suis trop content de le connaître parce que justement, là, on peut parler énormément de cinéma. Et c’est intéressant parce que le cinéma dans l’art, c’est pas la même chose que du cinéma qu’on fait à la Fémis.
Camille Bardin
Oui…
Rayane Mcirdi
C’est là où pour moi, les beaux arts, c’est vraiment exceptionnel. C’est parce que ça m’a permis de faire ce pas de côté.
Camille Bardin
Mais du coup, c’est d’ailleurs ce dont on parlait avec Valentin à la fin de son épisode que tu n’as toujours pas écouté parce que au moment où on enregistre, il n’est pas encore sorti ! Mais, je trouvais ça intéressant d’enchaîner avec vous deux, parce que Valentin, lui, c’est un cinéaste qui aujourd’hui se déplace peu à peu vers l’art contemporain. Et toi, tu es un artiste plasticien d’art contemporain qui se déplace peu à peu vers le cinéma. Et je trouvais ça intéressant, du coup, d’enchaîner l’un avec l’autre. Parce que vous êtes en train de vous croiser.
Rayane Mcirdi
C’est clair ouais !
Camille Bardin
Et j’adorerai qu’un jour vous finissiez par travailler ensemble…
Rayane Mcirdi
J’aimerais beaucoup aussi… Valentin si t’écoute ça… Hahah !
Camille Bardin
Il a dit là même chose !!! Hahaha ! Je veux une collab ensemble !! Du coup, on a parlé d’histoires intimes, de devoir de mémoire, etc. Est ce que c’est bon pour toi ?
Rayane Mcirdi
Ouais ! Je pense qu’il y a un truc dont il faudrait parler peut-être aussi… , c’est la famille artistique. Il y a un truc qui m’a beaucoup aidé… Aux Beaux arts, je me suis senti vraiment tout seul parce que mon histoire était isolée, je me sentais vraiment seul. Faut savoir qu’aux Beaux Arts d’Angers, j’étais le seul Arabe de la promo. Il y avait un arabe une noire, c’était leur quota. Aux Beaux-Arts de Paris, j’avais l’impression d’être un peu seul aussi. Et en fait, dès que j’ai commencé à rencontrer des gens comme moi, comme Mohamed Bourouissa, il y aussi ma copine Horya Makhlouf qui m’a beaucoup aidé théoriquement. Il y a aussi Valentin Noujaïm, Silina Syan, Zine Andrieu, Aïda Bruyère qui m’a aussi beaucoup aidée… Enfin y’a plein de gens qui m’ont beaucoup aidée à simplement ne pas me sentir seul. Et ça ça fait énormément de bien et ça nous pousse à nous dire que si on est une bonne équipe tout va bien se passer.
Camille Bardin
Peut être plus que n’importe lequel de tes projets. Il y en a un qui justement, est fondamentalement un travail de mémoire. C’est un projet extraordinaire sur lequel tu travailles depuis plusieurs mois déjà et franchement, je meurs d’impatience à l’idée d’enfin pouvoir le découvrir, vraiment. Tu travailles avec des jeunes de la ville de Gennevilliers et des chibanis. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c’est que les chibanis et nous parler de ce projet ?
Rayane Mcirdi
Déjà, il faut dire que je l’assume pas comme une réalisation seule ce projet. On le fait vraiment à plusieurs. Déjà, il y a les jeunes. Je le fais aussi avec Horya et Madjid Assoul. C’est un projet qu’on fait à plusieurs. À la base, c’était une commande de la ville de Gennevilliers qui était liée au pavillon français de la Biennale de Venise. En fait, ils voulaient un projet annexe qui serait plus axé sur Gennevilliers. On nous a donc contactés pour ça, et on nous a demander d’essayer de penser un projet autour de la filmographie qu’a utilisée Zineb Sedira pour son pavillon. C’est une filmographie qui est algérienne, post-indépendance. Et elle nous a envoyé une liste d’une vingtaine de films qu’on a regardé avec Horya et Madjid. Après ça, on a pensé à un projet lié aux chibanis. « Chibanis » ça veut dire « les cheveux blancs » en arabe, ça désigne les anciens mais aujourd’hui ça désigne aussi une catégorie sociale. Après la Seconde guerre mondiale, la France a fait appel à des gens des colonies pour reconstruire la métropole. Ces gens là, ont donc travaillé toute leur vie ici. Et maintenant, la France reconnaît pas trop leur statut. Ce sont des gens qui vivent encore dans des foyers, dans des chambres de 20 mètres carrés parfois. Ils ont un statut social un peu compliqué parce qu’ils ont toute leur vie sociale en France, où il y a la sécurité sociale, la retraite etc. Mais leur famille est en Algérie ou au Maroc, même si généralement ce sont des Algériens. C’est vraiment hardcore franchement… On a notamment interviewé un chibani de 94 ans qui vit dans une chambre de 15 mètres carrés dans un foyer. Et avec les jeunes de Gennevilliers qui sont franchement incroyables, on est parti filmé dans un foyer qui se trouve au 115 avenue des Grésillons qui s’appelle le foyer Adoma si je ne me trompe pas. Et on a fait des interviews des chibanis à l’intérieur. Moi, je suis plutôt derrière la caméra, eux font les interviews. C’est un projet qui s’inscrit dans la continuité de celui que j’ai fait sur ma grande-mère parce que là c’est une histoire qui va disparaitre demain… Ce sont des personnes très malades et c’est très compliqué de les faire parler parce qu’ils portent une histoire qui est très lourde, une histoire qui est hantée par la guerre d’Algérie et par les manifestations du 17 octobre. Les violences policières eux ils ont subi ça toute leur vie. Ils nous ont raconté des histoires hard core mais c’est très dur pour eux de se confier et de rouvrir ces portes là. Donc c’est quelque chose qui est vraiment pas évident. Au début, ils ne nous faisaient pas confiance parce qu’ils ont tellement été instrumentalisés par les politiques que c’est très compliqué pour eux de faire confiance à des gens, même s’ils sont a priori proches d’eux. Enfin, nous, on essaie de leur dire qu’on est comme leurs petits enfants, que cette histoire on a besoin de la connaître. À chaque fois, qu’on y va, on ouvre un peu plus les portes et franchement là, on commence à avoir une bonne confiance avec eux. Et franchement, c’est génial. Je suis en plein montage là, on montre le film le 17 octobre au cinéma Jean-Vigo à Gennevilliers. On a choisi le 17 octobre, parce que c’est le jour de la commémoration de la manifestation pour l’indépendance algérienne à Paris qui s’est terminée dans un bain de sang.
Camille Bardin
En plein Paris.
Rayane Mcirdi
En plein Paris. Et c’est une histoire qui n’est pas du tout réglée. On a fait un peu de recherches de ce côté là, on a eu accès à des documents et parfois les causes de décès sont différentes alors qu’on parle de la même personne… Dès fois il y a marqué mort, d’autres fois disparu, des fois il y a simplement rien marqué. C’est vraiment n’importe quoi cette histoire là franchement.
Camille Bardin
Oui elle a été complètement enterrée par l’état français… Enfin on parle quand même d’un massacre en plein Paris dans les années 1960 ! Mais du coup, comment tu as réussi à acquérir leur confiance ?
Rayane Mcirdi
Au début on a mal commencé parce que ça a été les politiques de la ville qui nous ont présenté au foyer ce qui a été une grosse erreur. Ce qui s’est passé, c’est qu’eux sont très suspicieux des politiques et au début ils croyaient qu’on était des journalistes ou qu’on travaillait pour la maire. Alors on a pris deux mois pour vraiment décrasser ça et leur faire comprendre qu’on ne faisait pas ça pour la ville mais pour nous. C’est un enquête encore qu’on aimerait bien résoudre avec eux cette fois-ci. Parce que cette histoire on ne la connait pas et c’est très important qu’on remplisse enfin ces cases vides.
Camille Bardin
Comment ça se passe aujourd’hui avec eux ?
Rayane Mcirdi
En fait, ce qu’on essaie de faire, c’est de les voir souvent. Parfois on va les voir juste comme ça, même sans que ce soit pour filmer ! On n’est pas juste là pour leur extorquer leur histoire.
Camille Bardin
On arrive à la dernière question de PRÉSENT.E… Est-ce que tu réussis à vivre de ton travail d’artiste ?
Rayane Mcirdi
Alors oui, je réussis à en vivre. Donc je suis très contente car c’est une grosse chance et je pense que j’ai réussi à en vivre parce que j’ai eu une chance. C’est que j’ai exposé pendant mes années aux Beaux arts. Il y a eu Mohamed Bourouissa qui m’a invitée dans certaines de ses expositions et aussi mon professeur aux Beaux Arts d’Angers, Julien Sirjacq qui m’a vraiment expliqué ce que c’était que d’exposer, ce qui m’a permis de me professionnaliser assez vite, assez tôt. Je pense aussi être quelqu’un de très chanceux parce qu’à la sortie des Beaux-Arts, j’ai eu une résidence qui m’a permis de vivre pendant l’année. J’ai eu 10 000 € en début de résidence et aussi quand je montre mes films à des projections, ça me fait des petits cachets, je fais des ateliers aussi des fois. J’ai fait un atelier la dernière fois, j’ai gagné 2 000 € et en fait, c’est des petits cachets comme ça qui me permettent de survivre. Et là, en ce moment, j’ai une bourse avec les Ateliers Médicis. J’ai également vendu trois œuvres alors je suis super content…
Camille Bardin
Du coup, là, s’il y a des jeunes artistes qui nous écoutent, le conseil que tu peux leur donner c’est d’essayer d’exposer un maximum et de ne pas attendre la fin de leurs études.
Rayane Mcirdi
Ben faut essayer le plus tôt possible, après c’est très difficile d’exposer. Faut en avoir conscience. Mais moi je trouvais que le piège aux Beaux-Arts, de rester enfermé dans cette famille qui peut-être très isolante. On est comme dans une bulle et quand cette bulle explose, il n’y a rien parce qu’on est resté dans un entre-soi. Et je pense que ma chance, c’est que très tôt, j’ai eu conscience qu’il y avait une espèce de voie professionnalisante et moi, très clairement, je voulais vivre de ça et je voulais devenir artiste. Et en fait cette position un peu marginale aux Beaux-Arts elle m’a permis de ne pas m’enfermer là dedans.
Camille Bardin
Trop bien, trop intéressant. Je suis contente qu’on ait eu ces mots là parce qu’en vrai, c’est important qu’ils existent. Merci d’avoir accepté mon invitation. Encore mea culpa. Parce que vraiment, encore une fois, cela fait des mois qu’on aurait du la faire ! Mais au moins on l’a faite au meilleur moment, cela inaugure une super année pour toi donc c’est très bien ! Donc merci aussi aux auditeurices d’avoir écouté cet épisode. Comme d’habitude, vous pouvez aller sur le compte Instagram de PRÉSENT.E pour suivre toutes les actualités du podcast. Et je remercie comme d’habitude David Walters pour le générique, puis vous dis, à très vite, mais d’ici là, prenez soin de vous !