C.B. : IEL PRÉSENTE, c’est un hors-série qui multiplie les regards. J’en suis profondément convaincue, tout point de vue est nécessairement particulier et situé. Et le mien n’en est pas exempt. Il existe autour de moi d’autres manières de penser, d’autres façons d’envisager les choses, d’autres possibilités d’existence. Seulement pour découvrir cela il faut savoir se taire puis écouter les autres. Et c’est ce que j’ai essayé de faire avec IEL PRÉSENTE.
Pour chacun des épisodes de ce hors-série je me suis éclipsée et j’ai confié mon micro à un ou une critique d’art ou commissaire d’expositions. Toutes et tous ont eu carte blanche dans la réalisation de l’épisode : du choix de leur invité.e à la rédaction des questions. Les entretiens de IEL PRÉSENTE sont donc gorgés de mots, d’interrogations et de manières de penser qui ne sont plus uniquement les miennes.
Aujourd’hui l’épisode de IEL PRÉSENT.E est pensé par une femme extraordinaire. Elle a bossé comme une malade pour préparer cet épisode et je l’en remercie infiniment. Si on s’était déjà rencontrées par le passé, on a vraiment commencé à converser après le confinement suite à l’une de ses prises de parole sur Instagram, dans laquelle elle dénonçait les discrimination que les personnes racisées, notamment les femmes qui portent le voile, subissent dans le monde de l’art, propos que je soutiens à 1000%. Elle est diplômée d’histoire de l’art et spécialiste du marché de l’art contemporain. pour son courage et ses bonnes ondes, je lui ai proposé de participer à IEL PRÉSENT.E et je suis excessivement fière parce qu’elle a accepté de participer à ce projet. Je suis donc ravie de confier mon micro à Oula Zaroual pour ce nouvel épisode de IEL PRÉSENT.E.
Salut Oula ! Merci d’avoir accepté mon invitation, je vais te laisser la parole mais avant tu peux nous expliquer qui tu as décidé d’interviewer, nous dire comment vous vous êtes rencontrées et comment tu as découvert son travail.
O.Z. : Bonjour Camille ! Merci beaucoup pour ton invitation et pour cette introduction ! Alors j’ai découvert Sara Sadik sur Instagram il y a un peu plus d’un an et en parcourant son feed qui est un véritable Skyblog des temps modernes, je suis tombée sur des maillots de l’OM, sur des ronds de chicha en 3D, des survets Kalenji fluos. J’ai même vu une [inaudible] volante non identifiée. J’ai compris qu’elle était amoureuse de JUL mais que SCH était son khlel. J’ai compris que Sara était une artiste et que comme JUL, on l’appellera sûrement “l’ovni”. Le premier réflexe et parésianocentré que j’ai eu, a été de checker son actualité pour voir si elle était exposée à Paris et ainsi découvrir ses œuvres ou éventuellement la rencontrer, mais Sara vit et travaille à Marseille. Son oeuvre c’est une performance quotidienne dans ses stories Instagram. Son oeuvre, on la retrouve dans la collection permanente de YouTube et Mélissa Lacoste en est le numéro d’inventaire. En fait, je crois que ce qui m’a le plus touché dans le travail de Sara c’est que pour une fois quelque part dans l’univers impitoyable de Dallas, aka le milieu de l’art contemporain, j’avais la ref. Alors quand Camille m’a généreusement confié un épisode de son podcast, c’était Sara Sadik ou rien. Et je suis plus que ravie qu’aujourd’hui elle ait répondu présente.
Salut Sara !
S.S. Salut !
O.Z. : Merci beaucoup de nous recevoir dans ton atelier aujourd’hui !
S.S. : De rien.
O.Z. : Alors du coup ma première question, elle est peut-être un peu facile, mais j’avais envie de mettre les pieds dans le plat tout de suite, et surtout que tu nous partages ton récit. Quand on s’appelle Sara Sadik, qu’on est une jeune femme, racisée, issue d’un milieu populaire, comment on se dit qu’on va faire les Beaux-Arts ?
S.S. : Heu… on se le dit très tard. Je me le suis dit très très tard. Quand j’étais au collège, j’étais en ZEP (zone d’enseignement prioritaire) et ce qu’on me proposait comme orientation c’était CAP hôtellerie. [silence]
*bruit de miaulement*
O.Z. : Même le chat il est choqué ! [rire]
S.S : Moi j’étais dans une optique où je voulais partir de mon milieu social pour avoir une ascension sociale. Je rêvais d’avoir de l’argent et d’être connue, mais je savais pas comment. J’ai essayé de mettre en place des stratégies pour arriver à construire ce rêve. En fait, la première étape de cette stratégie c’était en gros de tout faire pour ne pas aller dans mon lycée de secteur parce que CAP hôtellerie c’était mort. Il a fallu que je candidate dans des lycées du centre ville de Bordeaux d’où je viens. Pour avoir toutes les chances de mon côté, il fallait que je choisisse des options qu’il y avait que dans ces lycées là pour justifier le fait qu’ils me prennent. J’avais choisi trois lycées, un avec la spécialité arabe, un autre avec la spécialité chinois – tu vois à quel point c’était juste de la stratégie – et un troisième avec spécialité arts appliqués. J’ai eu le dernier. Du coup je me suis dit que j’allais faire de l’art appliqué.
O.Z. : Tu aurais pu être prof de chinois ! [rire]
S.S. : Ah oui totalement. Le destin tu vois. J’ai fait arts appliqués du coup mais j’étais vraiment trop nulle à chier. Je savais pas dessiner. Je savais pas… Je savais rien en fait. Je connaissais rien à l’histoire de l’art, je captais rien. J’étais perdue. Mais bon, j’étais dedans donc j’ai fait mes trois ans jusqu’au BAC et arrivée à la fin j’ai eu mon BAC et il fallait choisir quoi faire après. Les solutions qui étaient proposées pour nous c’était de partir en BTS, genre design graphique, design d’espace et volume, etc. Il fallait faire des BTS et partir dans le design. Et tout le monde mettait en dernier choix les Beaux-Arts. C’est là où j’ai découvert cette école. Parce que c’était le dernier choix de tout le monde. Pour moi aussi c’était mon dernier choix. En fait, j’ai pas eu tous mes vœux post-bac. Dans tous les BTS personne ne m’a prise. J’ai passé le concours des Beaux-Arts de Bordeaux qui était ma dernière alternative, mais vraiment c’était la honte d’aller là-bas. J’ai pas été prise. Je me suis dit que j’allais le retenter l’année prochaine. Du coup genre zarma j’ai préparé pendant un an mon concours. Par contre ce que j’ai fait c’est que je devais tout faire pour qu’ils me prennent en fait. J’ai créé un projet pour qu’ils me prennent, j’ai préparé un discours pour leur plaire pour qu’ils me prennent. J’ai vraiment préparé le truc pour que ça marche et ça a marché. Voilà comment j’ai fini aux Beaux-Arts mais tu vois du coup c’est du hasard et de la stratégie.
O.Z. : Donc tu viens de Bordeaux et aujourd’hui tu travailles et tu vis à Marseille. D’ailleurs ton univers artistique est emprunt de références à la ville, ses habitants, son équipe de foot ou encore ses rappeurs. Pourquoi tu as voulu quitter Bordeaux et pourquoi avoir choisi Marseille ?
S.S. : Je viens de la commune de Bordeaux donc pas vraiment de la ville. Je viens de Florac et de Bègles. J’ai grandi jusqu’à mes 15 ans dans une cité à Florac et quand j’étais au lycée, j’étais dans une cité à Bègles. Quand je suis rentrée dans ce lycée d’élite, j’étais en mode effacement total de mon identité parce que j’avais honte de là où je venais. Personne savait où j’habitais. Personne savait que j’étais pauvre. Du coup, j’ai carrément effacé tout ça. Pour moi, il était hors de question que je traîne dans mon quartier. Le matin je prenais le bus, j’allais à mon lycée et je rentrais direct chez moi après les cours. J’avais pas du tout la vie de quartier comme mon petit frère l’a eu. Parce que j’avais cette honte. Après j’ai fait les Beaux-Arts, j’ai vécu dans un quartier populaire certes mais quand même dans le centre ville. Du coup j’étais complètement déconnectée de mes racines. J’ai découvert que ce qui était vraiment Bordeaux n’avait rien à voir avec là d’où je venais et que c’était une ville de blancs bourges. L’opposé de moi en fait. J’avais plus de connexion avec cette ville du coup. J’étais venue à Marseille pour le concert de SCH en 2016, son premier concert. C’était la première fois que je venais à Marseille, j’avais pris le bus pendant 9h30…
O.Z. : C’était le destin.
S.S. : Ouais vraiment le destin de ouf. Je suis restée une nuit pour le concert et je suis repartie, mais j’ai senti un truc trop fort. Du coup, l’été d’après je suis retournée à Marseille puis pareil pour l’été d’après. J’avais vraiment une connexion de fou avec cette ville. Quand j’étais en troisième année aux Beaux-Arts, tout le monde parlait d’aller à Paris pour faire leur master pour construire leur carrière parce qu’ici c’était la province. Si on n’allait pas à Paris, on n’a pas tous les plans et tout. Du coup je suis allée à Paris pour faire un stage et je me suis dit qu’en fait je voulais pas du tout vivre ici. J’ai fait mon master à Bordeaux et après mon idée c’était de me tailler. La seule ville logique et évidente pour mon coeur c’était de bouger à Marseille. C’était un peu un défi parce que je recommençais tout à zéro, je connaissais personne ici, j’avais pas de famille, rien. Marseille, je sais pas j’ai une connexion de ouf avec cette ville et c’est une ville où je me sentais chez moi, je me sentais bien. J’en avais besoin pour me reconstruire.
O.Z. : Une des thématiques sur lesquelles tu travailles beaucoup, c’est l’amour chez les adolescents et notamment les bromances, cet amour affectif qui lie deux ou plusieurs hommes. Justement, ceux que tu décides de mettre en scène dans ton travail sont souvent jeunes et issus des quartiers populaires. Ces mêmes garçons qu’on dépeint souvent comme violents, que certains médias qualifient de “racailles” ou a contrario qu’on va exotiser et fantasmer, toi tu décides de tout simplement montrer leur réalité et de parler d’amour, de fraternité et de tendresse. Qu’est-ce qui t’a amené à t’intéresser à ces représentations masculines en particulier?
S.S. : Ça fait un an et demi que je travaille sur l’amour chez les adolescents au sens large avant que ce soit plus spécialisé sur les masculinités. L’idée m’est venue quand j’étais encore aux Beaux-Arts pour mon projet de diplôme. Tu as un diplôme blanc, un rouge et le final. Normalement tu es censé présenter le même projet mais à différents stades. Moi, j’ai voulu faire trois projets différents parce que j’étais une ouf. [rire] Non mais j’avais des idées et j’avais les moyens de les faire. Mon deuxième projet s’appelait “Un jour mon prince viendra et mon père le démontera” et ça parlait de l’amour chez les adolescents. A cette époque-là, j’étais vraiment déconnectée du quartier. Je trainais beaucoup sur des groupes FaceBook communautaires, les Chroniques, Wattpad, Facereubeu, Faceislamo. Je kiffais trop parce que j’avais l’impression d’être avec mes potes d’avant. Je suis tombée sur une image qui disait : 16 ans on se rencontre, 18 ans on sort ensemble, 20 ans on se fiance, 22 ans on se marie, 24 ans la famille. Ce schéma de la relation amoureuse c’est un truc que j’avais quand j’étais plus jeune et que j’ai perdu. C’était une image très virale, à laquelle beaucoup de jeunes se référaient. Ce schéma était dans ma tête et il était parti et ça m’a mis une claque. Je me suis rendue compte que j’étais plus comme eux. Je m’étais éloignée. C’était un peu horrible. Mais du coup ça m’a donné envie de travailler là-dessus, sur ce schéma. Ce projet était une sorte d’ébauche sur le thème de la vision de l’amour chez les adolescents. C’est un projet que j’ai repris depuis l’an dernier. Je me suis rendue compte que tu ne peux pas parler d’amour chez les ados sans commencer par l’amour fraternel. C’est un amour qui est beaucoup plus visible mais aussi qui est fort et beau parce qu’il est naturel. Il y a une sincérité dans cet amour que je trouve magnifique. Ce projet il s’appelle”Hlel Academy” et se constitue en quatre étapes et chaque étape a une forme différente : la première c’est une performance, la deuxième c’est un court-métrage, la troisième c’est de l’animation et la quatrième c’est une grosse performance aussi. C’est surtout les processus de travail de chaque projet qui sont complètement différents parce qu’encore une fois, ce sujet sur des jeunes hommes de quartier populaire n’a pas encore été beaucoup traité du coup il y a encore presque tout à faire. Je me suis dit qu’il fallait tester plusieurs processus de travail pour en parler. Vu que j’avais pas encore travaillé avec des jeunes, j’ai commencé à écrire la performance. Donc j’ai écrit tous les monologues. Puis j’ai rencontré des performeurs, qui en fait sont juste des adolescents lambda dans la rue. Je leur ai montré le texte en leur disant que je m’étais mise dans la peau de… en faisant des recherches. Ca se trouve ils vont me dire que c’est de la merde. J’ai envie qu’on en discute parce que ça se trouve je suis pas du tout dans le vrai. Ils m’ont dit qu’ils avaient rien envie de changer, que c’était vraiment des trucs qu’ils pensaient et qu’ils auraient pu dire. Ce qui est fout c’est qu’il y en a un qui m’a dit que le seul truc sur une performance de 30min où il m’a dit qu’il était pas trop chaud de le faire c’est le moment où il doit aller devant le public où il doit dire plusieurs phrases de charos du genre “eh chiquita », “t’as snap” “montre ta tête” “montre ton corps” et la fin de ce petit monologue c’est “passe ton 06 où j’te nique ta race” et là il m’a dit qu’il pouvait pas dire ça. Du coup j’étais dans le vrai et ça m’a rassurée sur le fait que j’étais légitime de parler de ce sujet. La deuxième étape, ça a été la vidéo que j’ai faite pour Manifesta. C’était totalement autre chose parce que je travaillais avec des jeunes mais y’a rien qui est scripté. C’est que du raw, que des trucs qu’ils ont fait et après tout passe par est-ce qu’ils veulent se livrer ou pas. Je leur posais des questions à un moment quand on faisait une sorte de confessionnal et ils me répondaient mais c’était de la volonté de chacun s’ils voulaient s’ouvrir ou pas. Ils sont 5. Ça passe ou ça casse. Moi, il fallait que je fasse un film avec ça.
O.Z. : La tu parles de ton film Carnalito Full Option.
S.S. : Oui c’est ça.
O.Z. : On y reviendra après.
S.S. : Cool. Du coup c’était que du spontané. Ca se trouve la matière que j’allais avoir allait être naze dans le sens où ça allait pas être sensible comme moi je l’imaginais. En fait – c’est peut-être un peu abusé de dire ça – moi je le trouve trop beau ce film parce que j’ai réussi à avoir des trucs que j’aurais même pas espéré. C’était un challenge de ouf mais à la fin je suis trop heureuse. La troisième étape ça a été le jeu vidéo avec la voix de Idir Azougli, l’acteur de Shérazade notamment mais qui a fait plein d’autres choses après, et qui est marseillais. Pendant le confinement, j’ai rencontré virtuellement un jeune homme suisse de 20 ans et il se trouvait dans la position exacte du personnage que j’avais créé qui était un mec qui allait demander la main de sa copine à son père. On a discuté pendant tout le confinement, il me faisait plein d’audios, il me racontait comment ils s’étaient rencontrés, comment ça s’était passé, le fait d’avant lui demander sa main il voulait “devenir un homme” pour être sûr de lui, avoir confiance, être prêt à savoir ce qu’il pourrait offrir à sa fiancée. Il m’a fait plein d’audios pour me racontaient ça et moi de mon côté j’ai écrit les monologues avec ses audios un peu retravaillés.
O.Z. : “Inspirés de faits réels”
S.S : Carrément. C’est son histoire, ce sont ses audios, sa manière de raconter, ses monologues, son histoire. Du coup tu vois il y a plusieurs manières de travailler, plusieurs manières d’écriture. Encore une fois ces questions-là, il y a pas une seule voix et mon but c’était d’essayer de les présenter un peu toutes. L’amour fraternel du coup c’est un truc qui est venu hyper naturellement dans toutes les rencontres que j’ai faites avec ces jeunes c’est le truc le plus fort qu’il y a chez eux. Et ce qui est le plus beau c’est qu’ils s’en rendent même pas compte. C’est tellement naturel, ils font même pas attention, ils se disent “je t’aime”, ils se font des calins. Je trouve ça tellement beau. Je saurais même pas l’expliquer je suis pas théoricienne mais c’est ce que j’ai envie de retranscrire par mon travail. C’est la réalité que je montre c’est pas des trucs que je rencontre. Un jour on m’avait demandé si mon travail était utopique ou dystopique, mais c’est rien frère c’est juste la réalité en fait.

© Curtesy Sara Sadik
O.Z. : La vidéo et la performance sont les médiums auxquels tu as principalement recours, mais un troisième pourrait compléter la liste, c’est la musique. Tu composes d’ailleurs toi-même les ambiances sonores de tes vidéos et quotidiennement on retrouve ton amour pour le rap sur ton compte Instagram. En 2016, tu crées et incarnes même le personnage de Mélissa Lacoste, une chanteuse de RnB marseillaise, tu réalises plusieurs clips et tu réalises carrément une tournée européenne. Alors déjà, c’est quoi cette histoire de ouf?
S.S. : Mélissa Lacoste [rire] c’est vraiment une histoire de ouf. Je l’ai créée quand j’étais en quatrième année des Beaux-Arts parce que je faisais des vidéos, je créais des avatars, mais je prenais jamais ma voix parce que je la supportais pas. Du coup je me suis dit que j’allais faire de la musique pour travailler ma voix, l’autotune, les reverbs et tout. Ça va t’aider à savoir t’amuser avec et à apprendre à l’aimer. Du coup, je voulais sortir un son, un hit, et puis après le projet c’est devenu tu vas faire un album et tu vas faire une tournée. Et après c’est fini Mélissa Lacoste. Du coup j’ai sorti “selfie en wiko” qui est mon tout premier son, je l’ai partagé sur Facebook et je me suis dit que personne n’allait cala, y’aura juste mes potes FB mais en fait le son il a tourné. J’ai enchainé par un deuxième et troisième son, et là je me suis faite contactée par Universal. [rire] Les gens ont commencé à me contacter et c’était de gens de l’art. C’était l’époque où y’avait Soundcloud, des sons d’internet. J’étais hyper amateur, j’enregistrais avec le micro de mes écouteurs. C’était horrible. Y’a des gens qui me disent qu’ils écoutent toujours mais je sais pas comment ils font. J’espère qu’ils écoutent pas avec les écouteurs parce que vraiment c’est une catastrophe. Du coup je me fais contacter par des gens du même âge que moi qui ont envie d’organiser des soirées avec des “rappeurs Soundcloud”, des gens avec des espaces qui faisaient des expos dans des galeries un peu “alternatives” qui voulaient m’inviter pour des vernissages et trucs comme ça, et j’ai aussi été contactée par des organisateurs de festival, par exemple Mélissa Lacoste a été invité à un putain de festival en Pologne où y’avait Mac Miller, The Weekend et tout. C’était un truc de malade. Mais c’est allé beaucoup trop vite pour moi. Le premier concert que j’ai fait j’étais vraiment une folle. Je sais pas comment dans ma tête je me suis dit que j’allais monter sur scène et chanter. Le public il était à fond. Je suis allée en Pologne, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suisse plusieurs fois. Les gens ils chantaient mes paroles par coeur. Ca c’est un truc sinon que je gardais pour moi, j’en parlais pas aux Beaux Arts. Le seul moment où je l’ai montré c’était fin de cinquième année, j’ai fait mon mémoire sur Mélissa Lacoste pour dire au jury “Regardez”. En vrai, eux ils sont là à parler de mon travail, mais regardez ce que j’ai fait. Parfois y’a des profs qui reviennent vers moi pour me dire félicitation mais en fait, me parle pas. Ca fait un peu la star mais en fait c’est juste que pendant 5 ans ils m’ont dit d’arrêter de parler de certains trucs mais en fait mon taff il a marché. Il y a pleins de moments où je me demandais si ça valait le coup, mais après 5 ans j’ai vu que des gens avaient confiance en moi et en mon travail. Du coup, après 5 ans d’étude j’ai aussi confiance en mon travail moi aussi maintenant. J’avais été contactée par un mec qui m’avait dit qu’il voulait me rencontrer pour savoir si c’était une blague Mélissa Lacoste, si c’était vraiment moi mais après j’étais partie sur d’autres projets, j’avais plus d’inspi pour écrire du coup il est arrivé à la fin.
O.Z. : Du coup, tu écoutes quoi en ce moment ? Je sais un peu parce qu’on peut pas passer à côté sur Instagram mais vas y parle nous de “13’Organisé”.
S.S : Ouais j’écoute “13’Organisé”. J’écoute essentiellement à 99% du rap français. J’arrive à me satisfaire de ça tellement il y a de choses dans le rap français. Comme tu le disais tout à l’heure, le rap français ça m’inspire beaucoup dans mon travail. Déjà je le partage beaucoup sur les réseaux sociaux et aussi dans l’écriture de mes projets, il y a beaucoup de paroles que je réutilise, beaucoup de phrases qui m’ont touchées et que je remets. Il y a beaucoup de références au rap, par exemple un ethnologue qui s’appelle Julien Marie pour JUL, c’est plein de petites ref, ça me fait kiffait de les placer même si personne comprend. En ce moment, évidemment, le 9 à minuit l’album “13’Organisé” est sorti, du coup j’écoute que ça parce qu’il est vraiment ouf. Vu tous les artistes qu’il y a, ils ont tous leur truc, leur pâte, leurs textes. Aucun ne se marche dessus. Pendant une semaine je peux écouter que ça.
O.Z. : C’est marrant parce que tu parlais d’amour fraternel et je trouve que “13’Organisé” montre la puissance du collectif et de cet amour là dans le rap.
S.S. : L’amour fraternel et collectif, totalement. Dans mes projets, on retrouve beaucoup cette idée de groupe parce que encore une fois parmi tous les clichés liés aux jeunes arabes issus de quartier populaire…
O.Z. : Mais même qu’au rap d’ailleurs.
S.S. : Exactement. C’est le groupe. C’est le groupe vu comme la horde, vu comme si on allait les niquer. Bon si tu nous cherches oui. Le groupe vu comme quelque chose de dangereux. Un truc duquel il faut se méfier. Il y a ce truc de la violence dont il faut se méfier. Mais le truc c’est que l’individu n’est jamais présenté alors que dans “13’Organisé” c’est un groupe mais chacun a son identité. C’est hyper bien fait. Pour ça, JUL il a été tellement fort parce qu’ils ont tous leur truc. Et ça c’est trop beau. D’avoir réussi à préserver sur un album entier avec tous ces invité.e.s, tous ces rappeurs et ces rappeuses, que chacun ait son identité je trouve ça trop beau. Et encore une fois ça ferme la gueule des gens.
O.Z. : D’ailleurs, tu vas nous faire une petite playlist Spotify pour que les auditeur.ices et lecteur.ices puissent l’écouter. Je voudrais revenir maintenant sur un sujet un peu plus sérieux si tu veux bien, sur un épisode qui m’a marquée cette année. Le 25 mai dernier, George Floyd est assassiné par un policier aux Etats-Unis, la scène est filmée et la vidéo fait le tour du monde. On a assisté quelques jours plus tard à une pluie d’hommage sur les réseaux sociaux et très vite dans un pays où l’on aborde presque jamais les questions de race, on a vu des institutions, des musées, des centres d’art, des galeries, se lever contre le racisme et crier à l’égalité. Ces mêmes structures auxquelles on reproche pourtant une absence de représentation des minorités au sein de leurs équipes, ces mêmes structures qui ne font pas toujours appel aux personnes concernées et/ou légitimes lorsqu’elles choisissent de s’emparer de thématiques sociales et culturelles qui parfois les dépassent, ont soudainement pris la parole publiquement pour dénoncer des discriminations raciales aux Etats-Unis. Je me souviens avoir vu ta story à ce moment-là. Elle était à ton image : engagée, sans langue de bois, et révoltée, comme je l’étais d’ailleurs et comme on était beaucoup à l’être. Révoltés d’assister à ce spectacle. Quand on est une artiste politisée et engagée comme tu l’es, comment est-ce qu’on arrive à composer avec les problématiques institutionnelles inhérentes à la France? Parce que tu prends beaucoup position publiquement en plus, du coup je me suis même demandée si ça t’avait peut-être fermé des portes ou pas.
S.S.: Je crois pas que ça m’aie fermé des portes ou en tout cas j’en suis pas consciente. Je pense qu’il y a des gens que ça dérange mais personne n’est venu me voir. Au contraire, on est venu me dire merci de dire les choses. Des personnes qui travaillent dans des institutions que j’ai insultées sont venues me parler. Je ne crois pas que ça m’aie fermé des portes et puis si ça dérange des personnes – et j’espère que ça dérange des personnes – elles ne sont pas venues me le dire directement, mais si ça les dérange vraiment, ça veut dire que mon taff n’a rien à faire chez eux et à leurs côtés et donc tant mieux pour moi.
O.Z. : C’est un tri naturel.
S.S. : Exactement. Il y a ce truc d’institution qui revient beaucoup parce que évidemment mon travail est institutionnalisé parce que j’ai fait des expositions dans des galeries, dans des musées, je suis dans des collections publiques, donc de fait, mon travail est institutionnalisé. Après, c’est le chemin que j’ai décidé de prendre pour plusieurs raisons. La première étant que mon objectif est qu’avec tout le travail que je fais, c’est pas que ce soit reconnu parce qu’on n’a pas besoin de reconnaissance, mais c’est plus que ça a sa place et donc ils vont la faire la place. On n’a pas besoin qu’ils nous disent qu’on est légitimes, parce qu’on l’est de fait. Donc, “fais nous de la place ou on viendra faire notre place nous même”. Donc pour moi c’est important d’être à ce niveau là dans ce milieu institutionnel parce que malheureusement c’est là où il y a l’argent, les espaces, et là où on a des moyens pour créer. C’est pas pour autant que je vais me censurer et ne pas dire ce que je pense sur les réseaux parce qu’en vrai j’en ai rien à foutre. Tout ce que je dis sur les réseaux, je le dis dans mon travail donc je ne peux pas faire mon travail et après faire la miskina sur les réseaux en ne disant rien ou l’opposé. Ce que je dis sur les réseaux et dans mon travail c’est pareil, ça prend des formes différentes parfois mais le message est le même. Je ne veux pas me censurer, je dis ce que je pense. Je m’autorise à le faire parce que je préfère faire ça que de me taire. J’aurais honte de ne rien dire sur des sujets qui me tiennent tellement à cœur.
O.Z. : Dans tous les cas, il vaut mieux en parler parce que la situation elle est telle qu’elle aujourd’hui, et le fait d’en parler c’est déjà un premier pas vers le changement.
S.S. : Exactement, je suis authentique. “Authentique et charismatique” comme dit Kenza Farah. Je reste moi-même tu vois. [rire] Ca me fait penser à un truc, j’ai rencontré un mec un jour qui m’a dit : “Ca me fait vraiment de la peine, je suis déçu parce que ton compte Instagram normalement c’est vraiment positif, t’es censé nous donner de la bonne humeur.” Mais en fait “d’où mon compte il est positif? Tu crois que je suis là pour quoi ? Amuser le blanc? nan. Ouais des fois mon compte il est positif et tu rigoles tant mieux, des fois tu pleures, et parfois tu as le démon parce que je suis en train de t’insulter. Mais c’est que tu mérites. Donc si t’es pas content tu vires à droite et tu décales. Moi mon compte Instagram il m’appartient, t’es pas content tu dégages, tu te désabonnes. Moi je te demande rien.”
O.Z. : C’est ouf de te dire ça parce qu’on dirait pas ça à tout le monde. On va exiger une tenue correcte de ta part parce que tu t’appelle Sara Sadik et parce que tu as les positions que tu as. Je ne pense pas que si cette personne voyait des choses négatives sur un autre compte d’une autre personne, blanche, etc. elle réagisse de la même manière.
S.S. : Ouais c’est l’arabe qui fait danser le blanc, je suis là pour te divertir par contre pas trop sur des sujets sensibles. Mais en fait si. Ca me parait logique en fait. Quand je vois tous les gens qui me disent merci pour tout ce que je dis parce qu’eux ils osaient pas, ça me choque à chaque fois, parce que tu réalises tous les non-dits, les trucs qu’on garde pour soi. Après il y a des sujets très sérieux sur lesquels je parle pas, parce que ce sont des choses soit très proches de moi et je raconte pas ma vie sur les réseaux, mais autant il y a des sujets que je trouve très importants et c’est pas grave si ça me touche personnellement et que je pleure en faisant ma story mais je suis obligée de le faire. Mon travail c’est pas juste une vidéo qui est exposée, c’est aussi ce que je fais sur Instagram, la manière dont je me présente à un vernissage, je m’habille comme je suis, je parle comme je suis. Il faut qu’il y ait cette continuité dans le fait d’être moi sur toute la ligne.
O.Z. : On est aujourd’hui le 10 octobre 2020 à Marseille et la 13e édition de Manifesta a été inaugurée en septembre dernier. Tu fais partie de la sélection d’artistes. J’ai écrit dans mes questions “bravo” mais j’ai envie de te dire “psartek”. Tu présentes à cette occasion ta dernière production “Carnalito Full Option” un film que tu as tourné au stade vélodrome et qui met en scène de jeunes garçons encore, issus du centre éducatif fermé “Les Cèdres” à Marseille. Tu as fait le choix curatorial de le diffuser dans des bars à chicha et des snacks et j’ai trouvé ça super intéressant parce qu’en fait depuis des années on entend parler de cette fameuse “démocratisation de la culture” alors que dans les faits, ça veut dire tout et son contraire. Moi personnellement, la première fois que j’ai osé mettre les pieds dans une galerie, de mon plein gré, j’étais en master, alors que je faisais des études d’histoire de l’art, et je pense sincèrement – et j’ai rien inventé – qu’au delà de la barrière sociale, la barrière géographique est encore plus violente, parce qu’aujourd’hui la cartographie des espaces d’art est clivante tant dans une dimension globale que locale. D’un côté on a ce parisianocentrisme qui vient engloutir l’actualité des régions et de l’autre des espaces bourgois clairement définis et délimités dans la ville et même quand on va tenter de s’installer en banlieue au final j’ai l’impression qu’on fait que déplacer les mêmes populations au-delà du périph’ le temps d’un vernissage. Vient donc s’ajouter une troisième barrière qui cette fois est symbolique parce qu’aujourd’hui les musées, centres d’art et galeries, sont des lieux symboliques, et même quand tu as la ref, si le lieu ne l’est pas, alors tu prends dix piges de retard dans la tronche. je sais que ce que je dis ça peut paraître un peu facile ou que certains vont trouver que mon raisonnement manque de complexité mais j’ai découvert Mohammed Bourouissa à 22 ans et j’avais l’impression que c’était déjà trop tard. Alors quand pour une biennale internationale, tu choisis d’exposer dans un bar à chicha ou dans des snacks en toute simplicité, sans faire dans le sensationnel, sans vouloir esthétiser une misère fantasmée mais juste parce que ces endroits sont légitimes aussi, c’est pour moi un acte politique très fort. Alors est-ce que finalement par ce geste tu essaies de démocratiser la légitimité ?
S.S : C’était beau ce que tu as dit. C’est ouf parce que j’ai aussi connu Mohammed Bourouissa à 22 ans. Je sais pas si j’essaie de démocratiser quelque chose. Quand ils m’ont invité à la Manifesta à la base ça devait être au conservatoire de musique et en fait, très vite je me suis dit que j’avais pas envie d’exposer là-bas. Autant je te disais que j’étais dans les institutions, mais autant les lieux que proposaient Manifesta ça me parlait pas. Au début, j’étais super enthousiaste à l’idée d’exposer dans un conservatoire puis en fait je me suis posée et j’ai réalisé que non ça le faisait pas pour mon travail. Pour ce projet, je travaille avec des adolescents des Cèdres de Marseille. L’histoire c’est un jeu télévisé où des mecs s’affrontent pour être élus le gadjo idéal, donc le mec parfait, le petit copain idéal. C’est un thème hyper populaire. C’est tourné au stade vélodrome. C’est pensé comme un espèce d’Hunger Games, avec une arène et un jeu marseillais qui allait se reproduire tous les ans et là c’était la première édition. Bon c’était fictif bien sûr. Du coup, la première idée que j’ai eu en me baladant à Marseille, j’ai adoré tous ces lieux où ils diffusent les matchs de l’OM. A Bordeaux t’as pas ça avec les matchs rediffusés, ça existe pas quoi. J’ai trouvé ça trop beau à Marseille et je me suis dit que c’était là que je voulais exposer. Vu qu’il y a ce truc des lieux pour la diffusion des matchs, bah ce truc de jeu que j’ai créé ce serait logique qu’il soit diffusé dans ces lieux là. Et puis, il y avait cette question du public, de qui j’aimerais toucher avec mon travail. Le but pour moi c’était pas que les visiteurs de Manifesta qui connaissent déjà le truc viennent voir mon travail. Ouais c’est bien, mais il faut plus. Je voulais pas que ce travail avec ces jeunes soit que pour eux. Un mec m’a dit récemment que c’était pas en faisant ça que les gens allaient venir. Mais le truc qu’il a pas compris c’est que les gens ils sont déjà là. C’est déjà des lieux qu’ils fréquentent. C’est moi qui viens avec mon truc chez eux. Je tremblais quand j’ai proposé. Au final tout le monde a accepté. Mon idée c’était vraiment d’inverser les rapports de domination. La vraie question c’est est-ce que toi tu vas vouloir faire l’effort ? Toi visiteur de Manifesta est-ce que tu es prêt à subir ça ? Parce que cette fois-ci c’est toi qui va être en minorité. C’est pas interdit à vous, mais c’est toi qui va avoir un peu plus de mal à avoir accès à cette œuvre. Si tu as vraiment envie de la voir tu vas le faire, mais ce sera beaucoup plus facile pour toi de te dire bon allez j’ai vraiment envie de voir cette oeuvre j’y vais, que pour un mec de là-bas qui devrait aller au conservatoire pour voir les œuvres. Donc c’est pour remettre un peu les choses à égalité. Bon, on a eu un peu des problèmes parce qu’on a été reconfiné du coup fermeture des snacks. Ce projet j’ai eu des galères à tous les niveaux. On a dû décaler l’ouverture du 11 septembre au 9 octobre. Mais mektoub ! parce que maintenant j’ai eu la meilleure avant première dont je pouvais rêver. Les snacks on a du un peu abandonné l’idée malheureusement. Du coup, le film sera sur internet gratuit parce que ça reste dans ma lignée. Je voulais faire une avant-première au stade vélodrome pour remettre le film dans son lieu de tournage. La boucle est bouclée. Evidemment c’est mon film donc j’invite qui je veux, c’est a dire mon entourage c’est à dire des noirs, des arabes et des blancs pauvres. C’est eux qui vont être aux 2e et 3e rang parce que le 1er c’est les journalistes et la team bien évidemment. Bon on l’a pas fait sur grand écran mais on a une salle magnifique pour projeter le film avec la vue sur le stade avec une baie vitrée. Il y a beaucoup de jeunes dans les personnes que j’ai invité. Par exemple il y avait les jeunes avec lesquels Mohammed Bourouissa avait travaillé pour son oeuvre de Manifesta, des jeunes avec qui j’aimerais travailler plus tard, à qui j’avais envie pas “d’offrir ça”, mais de leur permettre de faire partie du truc. Tu viens comme tu es, tu t’assoies, tu t’installes et tu profites, c’est pour toi. Comme quand j’ai tourné le film dans le stade, il était vide, et c’était pour eux.

© Curtesy Sara Sadik
O.Z. : En plus c’est les protagonistes de ton film donc c’est encore plus logique qu’ils soient là.
S.S. : Évidemment. En vrai tu vois la liste c’est trop drôle. J’ai une petite fierté à me dire que sans ce projet ils auraient pas pu être là. Les seuls noms à “connotation”c’était mes invité.e.s. Et je suis trop contente qu’ils aient été là pour cette avant-première. Je sais pas comment expliquer mais je trouve ça trop beau, je suis super émue. Dans mon travail, j’essaie de rendre la fierté aux nôtres, de leur rendre la fierté qu’on leur a prise. Quand tu me posais la question tout à l’heure de mon rapport aux institutions, j’essaie de trouver des petits trucs pour que ça marche. Je trouve ça trop beau de me dire que ces jeunes là ils vont être devant des grands curateurs tu vois. Voilà.
O.Z. : Tu veux dire que des curateurs vont être devant ces grands jeunes.
S.S. : Voilà. [rire]
O.Z. : Encore bravo ! Du coup on va passer à la dernière question traditionnelle de Camille. Est-ce que tu réussis à vivre de ton travail et à gagner suffisamment d’argent avec et sinon comment tu fais pour vivre ?
S.S. : C’est quoi suffisamment ?
O.Z. : Selon ta définition justement.
S.S. : Je pense que oui dans le sens où j’ai pas d’autre travail à côté. Mon travail c’est mon travail unique. Tous les revenus que je touche, c’est grâce à mon art dans le sens où c’est des conférences, des droits de monstration, des ventes d’œuvres évidemment. D’ailleurs à tous ceux qui m’ont dit “la vidéo ça se vend pas” bah si ça se vend cheh ! Moi je vends mes vidéos d’accord ? Donc tous mes revenus c’est grâce à mon “art”. Je sais pas faut pas oublier que j’ai grandi dans la hesse mon frère du coup j’ai pas besoin de mille et de cent. Là j’arrive à vivre, j’arrive à payer mon appartement, mon studio de 17m2, j’arrive à payer l’atelier où on est là. C’est quand même ouf parce que depuis que j’étais aux Beaux-Arts je savais pas que j’allais pouvoir vivre parce qu’on te parle même pas du marché de l’art parce que limite c’est pas possible de vivre de ton travail. Je suis issue d’une famille pauvre, à 17 ans je me suis retrouvée seule, sans aide sans rien, le seul argent que j’avais c’était le CROUS 550€, même l’été heureusement. Mais quand j’ai fini mes études je me suis dit que j’avais plus le CROUS, c’était vraiment mon seul revenu. J’étais tellement en galère et j’ai tellement connu la galère que là quand je vous dis que je vis de mon art vous vous imaginez des trucs de fou, mais en fait moi je sors pas, je fais rien, mais hamdoullah je suis plus dans la même galère que dans celle dans laquelle j’étais avant. Je peux manger, je peux m’acheter une petite fringue et tout grâce à mon art et c’est ça qui est beau.
O.Z. : Merci infiniment Sara d’avoir accepté mon invitation et de nous avoir accueillies dans ton super atelier avec tous ses drapeaux de l’Algérie. [rire] Je tiens également à remercier Camille pour la confiance qu’elle m’a accordé en me confiant son micro. Merci mille fois pour ton aide, pour tes précieux conseils tout au long de la préparation de cet épisode. Et enfin merci à tous ceux et toutes celles qui ont pris le temps d’écouter cet épisode. J’espère qu’il vous a plu. Moi en tout cas j’ai pris ma meilleure voix de podcasteuse pour vous. J’ai demandé à Camille de rajouter un peu d’autotune mais elle voulait pas. [rire] En attendant de découvrir les prochains épisodes de PRÉSENT.E ET DE IEL PRÉSENT.E, n’hésitez pas à aller suivre @sarasadikofficiel sur Instagram et surtout d’écouter sa super playlist. A bientôt !
C.B. : J’ai été bouleversée par cet épisode. Vous allez croire que je pleure tout le temps et ce ne serait pas totalement faux, mais vraiment les paroles de Oula et Sara dégageaient une telle force et une telle liberté que ça m’a terriblement touchée. Donc je vous remercie mille fois Oula et Sara d’avoir accepté mon invitation. Merci Oula de m’avoir fait confiance. Encore une fois, sachez qu’elle a bossé comme une malade sur cet épisode. Elle a accepté qu’on parte à Marseille pour aller rencontrer Sara et qu’on enregistre directement de son atelier. D’ailleurs, merci également à Nadia Fatnassi d’avoir organisé ce voyage qui était dans le cadre de Manifesta 13. Le parcours de Sara donne tellement de force. Je sais pas pour vous mais elle m’a donné faim !
Quant à vous cher.ères auditeur.ices vous commencez à connaître la chanson, on se retrouve demain pour le dernier épisode de IEL PRÉSENT.E. N’hésitez pas à suivre le podcast sur Instagram parce que j’y glisse plein d’infos et à lui mettre 5 étoiles sur votre plateforme d’écoute préférée. C’est pas grand chose mais croyez moi, ça apporte beaucoup ! Comme d’habitude, je tenais à remercier David Walters pour le générique. Je vous dis à demain, mais en attendant, prenez soin de vous et je vous embrasse !
REMERCIEMENTS : Un immense merci à Cosima Dellac d’avoir retranscrit cet épisode de PRÉSENT.E et à Cassandra Levasseur pour la correction.