MOUNIR AYACHE

Bonjour à toutes et à tous. J’espère que vous allez bien. Mon invité cette semaine est Mounir Ayache ! 

PRÉSENT.E est un podcast dans lequel je souhaite mettre à jour ce qui vient en amont puis en aval de l’art contemporain. Mes questions portent donc rarement sur les œuvres en elles-mêmes mais davantage sur toutes les réflexions et les doutes qui gravitent autour de celles-ci. Car ici je m’intéresse d’abord à la manière dont la vie de mon invité.e impacte son travail puis à l’inverse à la façon dont son travail vient impacter sa vie. Dans PRÉSENT.E j’essaie de mener les conversations comme j’ai l’habitude de le faire en tant que critique d’art dans les ateliers d’artistes ou à la terrasse des cafés. Sauf qu’ici nous sommes enregistré.e.s et vous avez la possibilité de tout écouter.

Ce n’est pas la première fois que j’introduis un épisode de PRÉSENT.E comme cela  et ce ne sera sans doute pas la dernière : j’ai découvert le travail de Mounir Ayache grâce à la critique d’art et commissaire d’exposition Flora Fettah ! Mounir Ayache est autant un artiste qu’un savant fou. Peut-être est-ce le fait qu’il ait été biberonné à la science-fiction depuis gamin mais il semble que pour Mounir rien n’est impossible. Ses œuvres sont une somme de codes informatiques tout droit issus de logiciels de gaming, d’histoires personnelles inspirées de sa famille originaire du Maroc. Bref, pour ce nouvel épisode de PRÉSENT.E, je vous propose une plongée dans l’univers arabo-futuriste de Mounir Ayache.   

Bonjour Mounir, et merci d’avoir accepté mon invitation. 

Je suis ravie parce qu’on réussit enfin à se voir. Ça a été compliqué parce que ces derniers temps tu as fait énormément d’allers et retours entre Paris et Marseille où tu vis depuis un an. Ce qui n’est pas anecdotique car tu es parti vivre là-bas spécialement pour travailler sur un projet totalement ouf que tu as présenté lors de la biennale Manifesta. Cette œuvre porte le prénom de ta grand-mère paternelle : Khadija. C’est une science-fiction qui s’inspire de ton histoire personnelle et nous plonge dans un avenir dystopique. Est-ce que tu peux nous expliquer son scénario ? 

Mounir Ayache : Alors l’idée là pour la version telle qu’elle a été présentée c’était de rentrer dans un tournage qui est en train de se réaliser. Tout est automatisé et avec ce fantasme de passer derrière dans les coulisses, dans le studio quoi. Je dirais que l’idée, elle est venue d’un voyage que j’avais fait en colonie de vacances aux Etats Unis, où j’avais vu Universal Studio (c’était un parc d’attraction sur le thème du cinéma) et en particulier l’attraction de Terminator où en fait en gros on rentrait dans le tournage du film et en fait on se retrouvait à la fois personnage du film, il y avait des acteurs qui ouvraient une conférence, et après il y avait Schwarzenegger qui arrivait dans la salle et les gens comprenaient plus où était la réalité, la fiction. Après il y avait un film en 3D qui nous projetait des gouttelettes d’eau froide au moment où le métal explosait. J’ai vu le regard des gens complètement perturbés par l’expérience et c’est vrai que je me suis dit : l’art contemporain, pourquoi ça peut pas être aussi ça. C’est vrai que c’est une forme qui parle à tout le monde, donc moi, après c’est là où je me suis approprié la technique pour parler de mon histoire, et des réflexions qui m’animent. Donc ce projet c’était vraiment de partir de l’histoire de ma grand-mère paternelle, située quand elle avait à peu près mon âge, moi j’ai 29 ans. C’était la fin du protectorat français donc la période de décolonisation en Afrique, et chez la jeunesse à cette époque là, il y a eu un élan de liberté, d’envie de casser les règles, qui était assez filmique, je sais pas si on peut dire ça, mais voilà des moments dans l’histoire où il y a un élan d’émancipation. Et elle en particulier, parce qu’elle s’est un peu opposée au modèle, elle était dans une ville assez traditionnelle, la ville de Fez au Maroc qui est chargée d’histoire, avec toute la partie artisanale, toute la politique, et tous les andalous qui avaient émigré là bas, mais elle, elle a voulu un peu tracer son chemin. Donc elle avait divorcé, elle a refusé de se remarier, et elle avait monté un atelier de préparation de mariage avec des femmes veuves et divorcées comme elle. Je l’ai connue petit et mon père m’en a énormément parlé, et en fait c’était un personnage qui se prêtait parfaitement à être le personnage central d’une fiction. Mais en partant, voilà, l’idée c’était de pas parler directement, enfin de transposer son histoire avec les codes de la science fiction, parce que c’est vrai que moi j’ai été comme t’as dit un peu biberonné par ça, par la bande d’amis de mon père qui étaient tous geeks. Quand j’étais petit je voyais les posters de tous ces vieux films, et c’est vrai qu’en les regardant il y avait quelque chose d’assez positif, si on compare avec les blockbusters de maintenant, il y avait l’envie d’aborder des réalités, que ce soit l’écologie, la politique, c’était très anarchiste aussi dans les sujets qui étaient abordés à l’époque. Et c’est vrai que pour aborder certains problèmes du monde arabe tels que je peux les connaître maintenant, je me suis dit que c’était quand même intéressant de passer par ce biais là. Alors déjà c’est moins direct, moi je suis pas quelqu’un de frontal donc le fait d’aborder ça par des métaphores, par justement quelque chose qui fait un peu rêver, par la technologie, par tous les moyens techniques, même le principe de devoir créer une réalité, je trouve ça hyper intéressant, en anticipant le futur mais pour parler de sujets qui sont carrément actuels même passés, par rapport à son histoire. Voilà l’idée c’était de partir de l’histoire de cette femme mais en faire une espèce de mythe où elle devient une super héroïne qui se bat contre un système qui est l’intelligence artificielle, mais avec toutes les nuances aussi parce que c’est vrai que c’est très tentant de résumer l’histoire au bien et au mal mais y’a toute la subtilité qu’il y a derrière. Juste pour prendre un exemple, quand elle a divorcé, on aimerait bien des fois que je dise qu’elle était toute seule contre un système patriarcal qui voulait l’oppresser. Non c’est pas vrai, elle a eu du soutien, du soutien juridique, je romantise pas comme on peut le faire dans la science fiction où il y a le bien, le mal. Donc voilà j’ai pris cette forme-là parce que je trouve qu’elle permet vraiment de donner plusieurs versions du problème.

Ça permet de montrer toute la complexité de cette histoire, et qu’il n’y a rien de linéaire. Est-ce tu peux nous expliquer, nous raconter un peu cette pièce, parce que c’est un truc totalement fou, c’était au conservatoire de Marseille et t’arrivais comme ça, t’avais des panneaux lumineux, c’était fou quoi. Est-ce que tu peux nous raconter un peu quelle était l’histoire concrète que t’as voulu raconter ? 

M.A. : L’histoire donc, pour comprendre, c’est une pièce qui est évolutive. L’idée c’est qu’elle ouvrait au jour de l’ouverture avec certains éléments et elle s’agrémentait ensuite au fur et à mesure, aussi bien l’histoire que le contenu de ce qu’on pouvait voir sur place. Bon là à cause du COVID qui a écourté l’expo, cette temporalité a pas pu trop avoir lieu, mais disons que j’ai dû m’adapter et donc j’en ai sorti un court métrage qui sera prévu pour début 2021. Donc l’histoire c’est qu’en gros on commençait à l’ouverture avec un dialogue entre Khadija dans son armure, qui est immobilisée sur une espèce de stèle, et qui est en dialogue avec une intelligence artificielle qui régit le monde d’où elle vient. Donc le dialogue, tout est en arabe littéraire, et il y avait un choix volontaire de ne pas mettre les traductions au début pour se retrouver un peu plongé dans une ambiance où on comprend pas vraiment ce qui se passe, et l’idée était en fait au fur et à mesure d’amener tous les éléments comme la traduction. Donc ça, ça sera dans le court métrage. L’idée c’était vraiment de pouvoir venir voir la pièce, voir les évolutions. Donc pour résumer, c’est un dialogue entre Khadija et cette intelligence artificielle, et en gros elle s’est rebellée. On est au début de sa rébellion contre ce système et c’est une discussion de géopolitique sur la gestion du monde. En fait elle, c’était un soldat censé faire respecter l’ordre qui commence à avoir des doutes, qui commence à penser par elle-même, et donc elle est en opposition contre la manière de gérer de ce système. Elle donne ses arguments, l’IA lui donne les siens, c’est un peu des choses qu’on a pu dire sur le fait qu’on comprenait pas tous les intérêts en jeu. Dans cette partie-là il y a pas mal de mes pensées à moi. Le projet dure depuis longtemps, et donc en gros l’idée c’était aussi de parler des problèmes actuels qu’on peut avoir maintenant, mais on peut très bien faire le parallèle avec l’époque de ma grand-mère. Et pour cette scène là, pendant qu’elles sont en train de discuter, Khadija est en train de reprogrammer son armure qui est immobilisée pour arriver à se débloquer du contrôle de l’IA, et le dialogue s’arrêtait au moment où elle arrivait à se déverrouiller. C’est à partir de ce moment là qu’une actrice joue dans la combinaison, jusque là c’était juste un mannequin, et donc elle se lève et c’est là ensuite que va avoir lieu l’action. Il y a une grosse partie qui est ce que je connais de la programmation. Et l’idée c’était ça, c’était à la fois de parler de politique et de religion, de plein de choses, mais avec cette technique à côté, que les deux marchent ensemble. Voilà un peu pour ce qu’on pouvait voir. 

Du coup ce projet j’imagine que tu vas le poursuivre ? 

Exactement, parce que oui il y a plein de facettes, il peut aussi bien y avoir des objets dérivés, qui partent de cette histoire mais qui servent aussi pour la suite du court métrage. Je le vois presque comme une série, avec des saisons et voilà, même un jeu vidéo, on verra ce qui est possible. 

Mounir Ayache, Khadija, Installation, 2020.
Photo ©JeanChristophe Lett / Manifesta 13 Marseille.

C’est trop excitant ! Et donc cette œuvre s’inscrit dans une esthétique et des réflexions qui sont celles du courant (entre guillemets) de l’arabfuturism. Si je devais en esquisser une définition, je dirais que c’est un courant qui emploie la science fiction et la cyberculture dans une démarche d’empouvoirement et de réappropriation de l’être arabe. Alors ! Déjà est-ce que cette définition te convient, est-ce que tu veux l’étayer ? Et surtout, pourquoi l’arabfuturism est au cœur de ton travail ? 

M.A. : Alors la définition elle est assez bonne, c’est très bien. Fait marrant justement, j’ai rencontré par Flora Fettah un chercheur qui s’appelle Joan Grandjean, qui est chercheur à l’université de Genève, et sa thèse c’est “L’Arabe Futurisme” en fait, sur la représentation chez les artistes arabes et aussi issus des diasporas comme moi. C’est vrai que quand j’ai commencé la démarche, je l’avais jamais vue autour de moi, je pensais être un peu tout seul, et il se trouve qu’on est tous des 2ème, 3ème générations en fait à utiliser ces codes-là alors de plein de manières différentes. Moi je pense que j’ai vraiment pris l’acte de la technique, comparé à d’autres où ce sont des choses plus poétiques sur des figures. Par exemple, j’en ai rencontré en Suède qui reprenaient les figures des Djinns, parfois, c’est plus des spectacles de Drag Queen, qui reprenaient le personnage d’Aïcha Kandicha. C’est assez marrant, ce sont des choses dont j’avais entendu parler quand j’étais petit dans des mythes qui faisaient peur, et là de les revoir comme ça dans des trucs super puissants c’est super intéressant. Bref tout ça pour dire que voilà on est beaucoup à avoir eu la même idée à peu près au même moment quoi, donc là on est tous un peu en simultané. 

Et vous dialoguez ?

Moi pas encore, je suis leur travail mais j’ai pas encore eu l’occasion d’en rencontrer trop. Mais c’est prévu. Là justement à partir d’un moment je pense que ça va être intéressant de voir comment on peut se connecter sur ces idées là. Et alors moi pour résumer très simplement en fait, je savais que j’avais envie de bosser sur ce sujet. Bon après disons que moi la question de mes origines s’est pas trop posée quand j’étais jeune, franchement j’ai eu les codes pour m’en sortir en société, faire des bonnes études et tout, franchement honnêtement j’ai jamais souffert de racisme ou quoi que ce soit. Disons que c’est vraiment aux Beaux Arts qu’on m’a dit “il faut que tu aies une démarche propre à toi”, et c’est vrai que moi je suis arrivé j’avais 20 ans, pas grand chose à dire sur quoi que ce soit, je savais juste que j’avais envie de faire des choses que j’avais commencées qui me plaisaient. Mais c’est vrai qu’avec les cours d’histoire de l’art, en voyant des artistes parler de réalités qui étaient les leurs, je me suis demandé de quoi je pouvais parler moi, qu’est-ce qui m’appartient, en quoi je suis légitime de parler. Donc la question de ces origines, elle est vite arrivée sur le devant, et c’est vrai que c’était la période où, quand on a des origines, une fois un peu sorti de l’innocence de l’adolescence, on commence à se poser des questions, à essayer de comprendre, au niveau de l’histoire, ce qui s’est passé. En plus, tout ça dans un contexte…  Moi pendant mes études j’ai eu tous les attentats, les migrants, enfin toutes ces questions là qui tous les jours dans l’actualité te ramènent un peu à tes origines en fait et à se demander qu’est-ce qui se passe ? Et c’est vrai que là j’ai dû faire un travail vraiment de recherche. Comment moi je peux parler de ce sujet là, mais voilà moi je me sentais pas légitime pour en parler direct et affirmer des choses, j’étais pas sûr en fait quoi donc ça a été quand même sur plusieurs années, et à la fin je me sentais toujours pas légitime pour parler de ça directement. Et donc c’est là qu’est venue l’idée d’en parler à travers la science-fiction, et de pas en parler de façon directe. Et ça allait aussi contre quelque chose que j’avais vu : dès que je m’intéressais à des artistes qui parlaient de ces questions-là sur le monde arabe, c’était hyper pessimiste en fait, c’était quelque chose qui me déprimait. Après j’ai peut-être pas bien fait mes recherches rire mais en tout cas ce que je voyais, ça dépeignait un tableau noir de toute la situation, et moi je me suis dit que je voulais prendre un peu à contrepied cette démarche et justement donner un sentiment positif. Et c’est vrai que la science-fiction, même si elle peut avoir ce côté un peu dystopique, il y a quand même le fait de se projeter dans l’avenir, de considérer que certaines choses sont acquises alors que pour l’instant elles sont encore en questionnement. Et en fait je suis parti de l’histoire de mon père pour vraiment enclencher la démarche, qui lui était venu assez jeune en France grâce à mon grand-père qui avait fait la guerre d’Indochine avec les français, sous le protectorat. Ils sont venus s’installer en France, et mon père qui a commencé sa jeunesse dans la Médina de Fez, a ensuite grandi en banlieue de Paris, enfin dans la ville de Dreux, et il a fini ingénieur en informatique et il a travaillé sur une navette spatiale quand j’étais petit en fait, vraiment quand je suis né quoi. Il a bossé dans plein de domaines aussi,à la santé, et en fait c’est quand j’ai réalisé l’écart entre d’un côté travailler à Toulouse dans une navette spatiale qui s’appelle Hermès et le parallèle avec cette vie à Fez qui est basée sur l’artisanat, en fait c’est vrai je me suis dit “le grand écart culturel et le truc qu’il faut faire pour avoir les deux en soi”. Et c’est de là qu’est parti mon premier projet en fait qui était de faire un simulateur de vol spatial en partant de cette trajectoire-là. Et c’était deux éléments qui me passionnaient mais que j’avais jamais vus réunis ensemble et c’est vrai que si y’a un endroit où ça peut se réunir, c’est en art. C’est ce que permet ce milieu, d’avoir ces jonctions-là. Ce qui m’a aussi amené à parler de ça, c’est le roman Dune de Frank Herbert, qui justement puise complètement dans l’histoire de l’âge d’or de l’Islam, pour créer le roman qui a défini les  bases de la science fiction moderne, et c’est quelque chose qui a complètement été enlevé. Dès qu’il y a une adaptation visuelle, on l’a complètement mis de côté, mais ça reste le livre le plus vendu de science-fiction de tous les temps. L’histoire commence avec un djihad, c’est une planète c’est un désert, il y a la métaphore du pétrole, et justement c’était le sentiment que cette oeuvre majeure, qui a donné naissance à Star Wars derrière, à des choses comme ça, et le fait qu’on ait complètement enlevé toute cette partie arabe dès qu’on veut l’adapter visuellement, c’était trop intéressant pour rien faire, donc ça me donnait même de l’énergie pour se dire là il y a quelque chose. 

Oui, pourquoi on met des blancs à la place… 

Voilà ils ont pris des Texans pour jouer des mecs du désert, donc c’est super marrant. Mais toute la science-fiction, parce que visuellement ça a été créé d’un point de vue américain, dès que ça parle de l’étranger, qu’on a  besoin de faire référence à quelque chose de mystérieux, c’est toujours d’un pays arabe. Même dans les derniers Star Wars y’a un robot avec une burqa, Tatooine c’est un grand désert avec le côté souk et tout, et moi là l’idée c’était de partir de cette esthétique mais de créer la science-fiction du point de vue arabe, et c’est vrai que là on commence à s’intéresser à cet âge d’or entre guillemets. C’est vrai que moi depuis que je suis jeune, ça a commencé avec les guerres, l’Afghanistan j’étais même pas né, l’Irak, la Syrie, c’est vrai que quand on s’intéresse à l’histoire du monde arabe c’est les pays où il s’est passé les choses les plus importantes quasiment quoi et là c’est des pays en guerre, on entend que des choses tristes.

Oui c’est ça à chaque fois que les pays arabes sont mis sur le devant de la scène c’est forcément pour la guerre.

Donc voilà l’envie un peu de réaborder cette histoire là mais avec un autre point de vue, et toujours la science fiction permet de l’aborder de manière plus sereine, parce que si je commençais à raconter des choses trop directes sur la réalité de maintenant… C’est des sujets qui sont en cours en fait, et je me sens pas de donner mon avis sur un conflit où y’a plein de gens qui sont concernés, je vis pas là-bas sur place. Donc voilà pour moi c’est vraiment un moyen à la fois de réunir ces passions-là dans un objet de recherche et en plus d’aborder une réalité mais d’une manière douce. 

J’ai vu sur le compte du critique d’art Grégoire Prangé (que j’embrasse !) qu’à l’origine tu te destinais plus à devenir ingénieur. J’ai l’impression en voyant les œuvres que tu crées que tu n’as pas du tout renoncé à le devenir. Simplement que tu as ajouté du sens, une certaine sensibilité et un propos politique et poétique à l’ingénierie. 

M.A. : Ouais, c’est un peu ça, j’avais commencé les études d’ingénierie avec l’objectif d’aller vers l’art. Moi je voulais quelque chose relié soit à l’image ou au son, après on m’a vite fait comprendre qu’il faudrait plusieurs années avant que je puisse vraiment faire les projets qui m’intéressaient. En passant par les sciences pour arriver à des projets où vraiment j’avais envie d’aller, on m’avait dit qu’il faudrait attendre, voilà mais bon, pas envie d’attendre. Rire. Et c’est vrai que quand j’ai découvert les études style Beaux-Arts, j’ai vu qu’on pouvait quand même enclencher nos démarches, et donc voilà je me suis tourné vers l’art mais toujours avec cette logique-là derrière. En sachant que ces outils-là c’étaient ceux de notre génération, que j’arrivais à l’explosion de Youtube, des tutoriels, et j’ai pu me former. Bon j’ai eu des formations comme le travail des métaux avec un prof, il y a des choses c’est compliqué d’apprendre quand on a ni les personnes en face ni le matériel. Mais j’avais tout le monde de l’informatique devant moi, la possibilité d’avoir un apprentissage qui était énorme, et c’est vrai que je regrette pas du tout parce que je vois, j’ai gardé beaucoup d’amis qui sont ingénieurs, ils sont tous spécialisés dans quelque chose mais c’est très rare ceux qui sont capables d’aborder plusieurs domaines. Je pense que moi j’ai un peu été bercé au mythe de l’ingénierie à l’américaine qui est beaucoup plus rock’n’ roll que la française où faut faire des grandes écoles et tout. Eux, il y a le mythe de la Silicon Valley où on commence une entreprise dans un garage, on part de rien et on devient une multinationale. Et moi c’est cette partie dans le garage que je trouve trop cool. C’est comme Tesla, ils ajoutent des batteries, bon je suis pas fan de Tesla mais plus de l’histoire, du démarrage de ces choses là qui démarrent en bidouillis quoi. Alors qu’ici en France dans les études qu’on me proposait, j’avais l’impression que c’était hyper cadré, fallait trouver des investisseurs, comprendre tous les codes, ça me faisait pas rêver. Et en fait ça s’est confirmé au fur et à mesure des études. J’avais vu une expo sur Kubrick, on voyait qu’il maîtrisait tous les éléments, de la lumière au reste, il avait déjà fait tous les rôles avant, et dans l’expo ils expliquaient bien que c’est parce qu’il avait toutes ces casquettes-là que quand il avait une équipe pour bosser il était capable de leur dire tout ce qu’il y avait à faire sans raconter n’importe quoi, sans passer pour un fou qui maîtrisait pas de quoi il parlait. Il y avait à la fois l’idée et la réalisation. Donc c’est vrai que voilà, comme on en parlait juste avant, les études des Beaux Arts c’est quand même des années hyper précieuses, on peut investir du temps sans avoir des responsabilités immédiates et c’est là que j’en ai vraiment profité pour développer tout ça. Je continue encore mais c’est un temps qui a été hyper précieux pour se lancer là-dedans parce que c’est des techniques qui demandent des années pour arriver à les maîtriser, et plus être dépendant de toutes les contraintes qu’elles créent. Parce que sinon c’est très facile, je l’ai vu au début, de s’arrêter aux premières contraintes techniques et de justifier ça un peu comme un choix artistique. Et c’est vrai que moi cette limite-là m’a beaucoup énervé. Par exemple on parlait dans l’introduction de la programmation, ça fait quatre ou cinq ans que je suis dessus, par petits coups quand j’ai un projet qu’elle concerne, mais là je commence à toucher du doigt réellement le truc où je peux commencer à faire des choses vraiment intéressantes, où j’ai le contrôle sur ce qui se passe, comment je peux déclencher des moteurs, comment je peux déclencher des séquences, par rapport à une vidéo. C’est ce que j’ai toujours voulu faire mais il fallait des années pour prendre en niveau sur tel ou tel domaine, mais c’est super intéressant de tout faire évoluer en même temps. Après des fois on arrive à une limite de temps Rire mais voilà en tout cas je pense que j’ai aussi beaucoup bénéficié comme je te disais de Youtube et de tous les forums et de tous ces trucs-là quand j’étais aux Beaux-Arts. J’ai pu construire la fraiseuse numérique parce qu’il y avait les tutoriels, j’ai regardé un Américain. C’est là où ils sont trop forts en fait, parce qu’en gros, en France y’a les tutoriels qui étaient pas vraiment des tutoriels mais plutôt des forums d’anciens de l’industrie qui se construisaient une fraiseuse en fin de carrière pour faire des trucs chez eux, mais eux étaient pas dans une démarche de te dire “viens fais le c’est facile”. Par contre, là c’était une vidéo d’un Américain qui durait 3-4h, en plus avec des réflexions sur la vie, sur le fait que le partage devait être gratuit, et il la faisait en trois quatre heures. Le montage était trop bien fait, tu regardais la vidéo tu te disais “ah ouais je vais le faire en deux semaines !”. Résultat ça m’a pris huit mois, mais le type il avait ce don pour te donner envie de commencer en fait, et ça en France ça existe pas. Lui, il était pas payé pour faire ça mais il te donnait cette énergie pour te lancer dedans en fait. Et j’avoue ouais c’est ce genre de trucs où vraiment je me disais en fait faut juste le vouloir et en apprenant à faire ça les projets d’après étaient beaucoup plus simples quand j’avais un truc que j’avais déjà appris. Je le vois vraiment comme de l’investissement à long terme, toujours, des techniques que j’ai utilisées pour faire cette fraiseuse numérique maintenant ça me sert à contrôler des moteurs de façon super précise, au point où maintenant je peux mettre la sensibilité et la poésie dedans, comme tu disais.

Maintenant tu as cette base technique, tu peux t’en éclipser. 

M.A. : Voilà et vraiment choisir comment tu veux l’utiliser et pas juste être dépendant d’un technicien ou d’un ingénieur. Et j’avais bossé dans la mode, et c’est là où j’ai beaucoup appris parce que ça me permettait de financer un peu mes projets pour la partie événementielle et c’est vrai que je voyais le décalage entre les directeurs artistiques qui avaient une idée, les techniciens qui réalisaient l’idée et l’écart qu’il peut y avoir entre les deux parce qu’ils pouvaient pas se parler, c’est deux vocabulaires différents. Donc on s’en sortait toujours avec un compromis, avec des factures exorbitantes. Bon moi c’est quand j’ai vu le prix des facteurs que j’ai vu aussi ce problème d’argent Rire qui m’a poussé à construire une fraiseuse, j’ai compris que j’allais pas pouvoir sous-traiter dans l’immédiat mes projets. Donc ça a été tous ces éléments-là qui m’ont motivé à vraiment avoir la maîtrise sur la technique et pouvoir m’en sortir. mais comme je t’ai dit, c’est très long comme démarche. Même là pour Manifesta je sais qu’il y a des choses que j’ai commencé à apprendre pour ce projet-là qui en fait seront vraiment effectives dans deux ans, le temps de les maîtriser, d’avoir le temps vraiment de les développer. C’est vraiment une logique de long terme et c’est vrai que t’es vite jaloux de comment ton pote sculpteur il peut faire une sculpture en un mois qui est impressionnante, alors que toi tu es sur un truc qui prend deux ans pour qu’au final ça rate, et tu dois tout faire marcher. Là je sais que j’engrange des trucs que j’ai commencé il y a deux ou trois ans. Je commence à récolter les fruits de mon travail. Comme temporalité c’est assez intéressant aussi, faut pas être pressé, faut pas désespérer quand ça marche pas. Rire

Comme je disais dans l’intro, je te vois un peu comme un savant fou. Au-delà du fait que ta gestion des logiciels de gaming et des imprimantes 3D est impressionnante je crois que ce qui me scotche le plus c’est la manière dont tu mets tout en place pour que la fiction et le virtuel impactent notre réalité. 

M.A. : Ca oui mais de toute façon c’est ça le but quoi. Dans le fait de s’investir autant je pense dans les techniques, il y a toujours un objectif qui est derrière qui est de faire rêver, mais en gros c’est vrai que la démarche a vraiment été de faire évoluer à la fois le discours et la technique en parallèle pour que les deux s’alimentent et se complètent. Moi je découvrais un peu l’histoire du monde arabe, les guerres, et on peut remonter jusqu’à très loin, mais au moins pour comprendre le contexte actuel, comprendre pourquoi il y a une guerre ici ou là. Et c’est vrai que je prenais l’exemple de la fraiseuse, c’est vraiment des machines assez complexes parce qu’il y a plein de systèmes qui dépendent l’un de l’autre et pour que tout marche à la fin c’est une somme d’éléments, de mécanismes, y’a tout y’a des dizaines de mètres, de l’eau qui passe à l’intérieur, des moteurs. Donc c’est vrai que, et c’est un peu simple comme image, mais bosser sur des systèmes complexes comme ça qui sont dépendants les uns des autres, ça permet de découvrir un peu la géopolitique en même temps. Moi je voyais des parallèles en fait avec les interdépendances, qu’est-ce que c’est un maillon faible, et quand vraiment ça marche pas, t’as beau avoir tout bien fait si un truc marche pas il y a rien qui marche. Ça aide à comprendre, on comprend pas tout mais disons que moi j’apprécie toujours le parallèle qu’il y a un peu entre les deux. Ce sont des mécanismes intellectuels qui sont similaires. Et c’est vrai que encore une fois ça prend du temps mais ce qui est intéressant c’est que une fois que t’as une fraiseuse, une imprimante 3D, tu peux les utiliser avec autre chose. Un exemple avec Manifesta, ils ont tenu un partenariat avec Kawasaki pour prêter un bras robotisé pour l’exposition. Par contre quand le partenariat s’est fait, ils ont dit qu’ils allaient pas nous filer un technicien pendant deux mois qui allait faire le travail à notre place, ils nous ont fait une formation pour que le projet puisse aboutir. Et en fait, si j’avais pas eu toute cette base avant sur la fraiseuse numérique et toutes ces choses là, j’aurais rien pu faire parce que c’était de la programmation, c’est du code, des machines pour l’industrie, c’est pas du tout drôle Rire, c’est des vecteurs, toutes ces choses là. Et là pour le coup ça a permis d’aller plus loin que juste être limité à si ça marche bien. Le fait que j’ai quand même cette base technique, ça a permis que quand on travaillait les mouvements, parce que le bras robotisé tenait la caméra qui permettait de filmer le plan séquence en live dans l’exposition, le fait qu’il y ait pas cette barrière de la technique entre moi et le technicien quand il m’apprenait les choses, on a vraiment pu aller à l’essentiel, quel mouvement, quelle vitesse voilà, comme vraiment quelqu’un qui choisit quelle couleur il veut mettre sur un tableau. Enfin c’est un petit exemple pour montrer que c’était super intéressant de pouvoir comprendre le vocabulaire de la personne en face pour aller plus loin dans le projet que le côté superficiel qui aurait été juste de le faire marcher et de dire “ok ça marche ciao”. 

J’ai l’impression que ce qui t’intéresse finalement c’est vraiment d’avoir l’emprise sur l’ensemble de ton projet et de pas avoir à déléguer et d’être capable de tout gérer, que ce soit l’aspect technique, l’aspect esthétique, l’aspect intellectuel.

M.A. : Oui, c’est un peu ça oui. Après voilà j’y pense de plus en plus, à déléguer, mais comme l’exemple de Kubrick, pour moi avant de déléguer faut savoir faire. Je suis excellent nulle part mais c’est la somme des domaines qui fait que, si à un moment quelqu’un d’autre de ce milieu-là va se retrouver bloqué à cause de ça, moi je peux prendre la technique d’un autre domaine et la prendre pour résoudre un problème. C’est là que ça devient marrant, il y a une base d’ingénierie mais ça devient un peu la foire fouille parce que c’est pas du tout la manière conventionnelle de résoudre le problème mais ça marche. Bon y’a beaucoup de fois où ça marche pas mais moi j’apprends avec l’erreur et à force que ça marche pas, bah ça marche. C’est assez drôle. 

Mounir Ayache, Khadija, Installation, 2020.
Photo ©JeanChristophe Lett / Manifesta 13 Marseille.

Dans ton travail, tu manies des espaces-temps qui nous échappent. Si tu avais le pouvoir de changer le monde, quel serait-il ? 

M.A. : Eh bien écoute, c’est un peu ce dont parle le dialogue entre Khadija et l’intelligence artificielle. En fait dans le discours, elle est pas en train de dire comment elle voudrait que le monde soit géré, elle est en train de s’opposer à ce que moi j’analyse comme ce qui se passe maintenant un peu partout. C’est-à-dire le fait que dès qu’il y a un problème, un débat, une question, l’idée c’est de polariser complètement deux extrêmes. Et ça enlève complètement tout le discours entre-deux, et c’est vrai que par exemple en France le pouvoir, il vient, il crée ces deux extrêmes qui capturent un peu le débat et qui empêchent de parler sereinement d’un problème. Et c’est vrai avec tout, la politique, la religion… Alors c’est sûr qu’après, dès que le pouvoir vient prendre une position qui tranche un peu entre les deux, il passe pour le sauveur. Et ça je trouve ça dommage avec tout ce qu’on a avec Internet, avec toutes les possibilités, qu’on ait pas plus de place pour le débat en fait. En fait pour moi, et c’est ce que Khadija dit dans le dialogue, l’énergie elle est concentrée à polariser ces choses-là pour à la fin prendre une décision qui arrange celui qui la prend mais qui passe pour celle qui est le juste milieu, alors que cette énergie pourrait être consacrée à comment dialoguer concrètement sur ces choses-là et prendre les avis multiples. Après voilà c’est vrai que c’est un peu la petite déception que j’ai eu, étant la génération qui a connu le passage de pas d’Internet à l’Internet. Il y a eu beaucoup d’attentes qui venaient de là, et pour l’instant, bon y’a des choses qui se font c’est très  bien mais y’a aussi des choses qui bougent pas. Et vu le potentiel qu’il y a dans cet outil-là, c’est dommage qu’il y ait pas encore la réalisation en fait qui correspondrait aux techniques que ça peut apporter pour aussi bien la politique, l’économie… Il y a plein de projets que je suis énormément, donc à voir comment ça peut amener des nouvelles solutions. Mais je pense qu’il faut aussi une volonté au-dessus, au pouvoir, de vouloir enclencher cette transition-là et de mettre l’énergie pour trouver ces nouvelles solutions qui vont à un moment arriver. C’est un peu ça qui ressort de leur discussion, elle est pas là pour dire “non il faut que ça ça soit comme ça”, c’est plus faut laisser le choix, et comment trouver des moyens. La morale qu’elle lui dit c’est de faire plus confiance aux gens. Et c’est vrai que moi dans mon parcours, dans les gens que j’ai rencontré, dès que les gens ont un peu de pouvoir, il y a un peu ce côté-là où on se sent un peu supérieur aux autres et on a souvent tendance à prendre la base un peu pour des gens qui ont besoin d’être guidés. Et c’est là où moi je pense que y’a un besoin d’être informé et formé à comment prendre les décisions. Ca c’est clair et net, sinon c’est la porte ouverte à n’importe quoi. Mais il faut que l’énergie soit mise dans cette direction-là, et ça rejoint plein de domaines, comme la médiation en art. Moi c’est vrai que plutôt que d’imposer à quelqu’un en lui disant” c’est ça qu’il faut que tu regardes”, non je demande “pourquoi ça c’est intéressant ? est-ce que ça t’intéresse ?”. Ce sont des raisonnements qui me sont venus un peu. C’est ce que j’adore dans le statut d’artiste, on voit toute la société en fait, tu passes des ouvriers aux patrons aux politiques, et tu les vois chacun dans leur monde avec leurs codes sauf que toi tu arrives, tu es solitaire. 

Ce sont des navigateurs, les artistes.

Et c’est vrai que les voir tous parler dans leur coin, avoir leur vision de l’autre, ça crée des idées. 

On arrive à la traditionnelle question de PRÉSENT.E. La dernière question que je pose à mes invité.e.s est toujours la même : est-ce que tu réussis à vivre de ton travail d’artiste ?

M.A. : Alors, du travail d’artiste pur et dur, non. Si, cette année avec Manifesta si, pour le coup, à la limite. Mais disons que j’ai fait le choix de plus investir dans du matériel que dans de l’argent. 

Je suis contente de te poser cette question particulièrement parce que j’ai l’impression que toute ta vision est vraiment sur le long terme, tu sais que tu as des années qui sont réservées à l’investissement, que ce soit au niveau apprentissage que sur le plan économique.

Exactement. Après c’est toujours le truc de rester à l’équilibre à la fin de l’année Rire mais comme tu dis c’est de l’investissement en fait et donc c’est vrai que pour le coup je me suis focalisé sur des techniques où en travaillant un peu à côté, en sous-traitant des choses, je me suis rendu compte du prix que ça comptait le jour où t’en avais besoin. Donc on va dire que c’est sur ces choses là que j’ai mis l’accent pour pouvoir les maîtriser, et c’est vrai que même aux Beaux-Arts, j’ai quand même eu la chance de voir des artistes qui venaient en intervenants et qui parlaient un peu de ces réalités-là. Moi, je me suis lancé dans cette démarche parce que j’ai compris que, vu les techniques que je voulais utiliser, c’était pas pour tout de suite qu’un galeriste ou qu’une fondation me débloquerait les budgets pour que je développe mes projets. Il fallait patienter, et encore une fois j’avais pas envie d’attendre, et c’est un peu ce qui a guidé le parcours. Mais après c’est super bien parce que ça crée une indépendance de malade. Ce qui se passe c’est que je sais qu’il y’a les périodes où ça marche bien, les périodes un peu de disette, je sais qu’en ayant accumulé un stock, en ayant des choses, même si tout va mal je peux toujours continuer à produire et ça c’est quand même super intéressant. Et en plus même dans la manière de travailler, je l’ai vu là avec Manifesta mais le fait de travailler et d’être un peu comme un technicien, dès qu’il fallait parler avec les gens aussi bien pour le budget que pour d’autres trucs comme ça, comparé à d’autres artistes qui étaient plus dans le truc “faites moi ça, ah comment on fait ça”, moi je savais comment faire, je savais quelle machine acheter, et c’est vrai que pour ce projet j’ai économisé énormément d’argent. De toute façon en sous-traitant ça rentrait pas du tout dans les budgets qu’ils m’avaient donné. Justement le principe c’était de produire moi-même, on m’a donné un atelier super grand pour pouvoir le faire. Mais voilà il y a toute cette logique derrière qui est un peu de monter un studio indépendant sur toutes ces techniques-là. Je peux pas tout faire non plus mais là j’ai quand même atteint une indépendance sur plein de domaines qui est super appréciable. Justement, si je devais attendre un budget pour pouvoir produire quelque chose, j’en serais pas du tout là où j’en suis maintenant. En fait, cette énergie là aussi, des fois on est un peu jaloux des artistes qui ont des choses qui sont vendables beaucoup plus facilement, qui ramènent de l’argent plus facilement. Moi après je sous-traite pour soit des artistes soit des galeristes, soit même des choses qui n’ont rien à voir avec l’art, pareil pour l’événementiel. Mais moi c’est aussi ce qui m’a permis de progresser, d’apprendre à travailler dans des conditions qui sont pas celles de l’art où des fois c’est un peu on voit ce qui se passe, on improvise. Et là je sais que le fait d’avoir un cadre, une échéance, ça m’obligeait à me dépasser parfois. Ces compétences-là je les aurais pas eues si ça avait été juste mes projets. Même de voir les méthodes de travail, comment ça se passe, c’était hyper instructif. Donc c’est super bien, mais même là je continue encore de bosser pour des trucs à côté, et disons que c’est ça qui permet de vivre. Mais honnêtement ça me dérange pas. Là je me suis retrouvé à gérer plein de gens, mentalement ça a été épuisant. Redevenir l’employé et ne pas avoir la responsabilité de est-ce que ça marche ou pas et juste être le sous-traitant, je sais que ça va être bien comme phase pour ensuite avoir à nouveau envie de refaire mes projets. Je sais que j’ai besoin de cet équilibre. Comme ça tu peux un peu te reposer.  

Merci Mounir d’avoir accepté mon invitation et d’avoir pris le temps de me recevoir pour cet épisode de PRÉSENT.E. Merci à vous de l’avoir écouté. Un grand merci également à David Walters d’avoir accepté de me prêter sa musique pour le générique. J’attends vos retours sur le compte instagram de PRÉSENT.E. N’hésitez pas à commenter cet épisode et à lui mettre un maximum d’étoiles, ça me donne de la force. Je vous dis à dans deux semaines, mais d’ici là, prenez soin de vous et je vous embrasse ! 

REMERCIEMENTS : Un immense merci à Cassandra Levasseur d’avoir retranscrit cet épisode de PRÉSENT.E.

Publié par La vie d'artiste

Auteur·e, amateur·rice d'arts et de mots, cinéphile, mélomane, dramatique et excentrique, théinophile et noctambule.

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